Emile Couzinet
Déjà célèbre par ses bains de mer, par la douceur de son climat, la beauté de ses sites et, surtout, son exceptionnelle luminosité, Royan et sa région ont été une terre de prédilection de nombreux artistes.
Émile Couzinet, homme d'énergie, Directeur du Casino Municipal de Royan, aidé par le député de l'époque William Bertrand et le maire de Royan Paul Métadier, fit construire de vastes bâtiments situés vers la gare (actuellement emplacement de la chocolaterie Dalibert rue Victor et Pierre Billaud - près de la piscine).
Nous sommes en 1937. Outre les installations parisiennes (Buttes-Chaumont, Billancourt, Joinville), celles de Nice (La Victorine et Nicéa) et celles de Marseille (Pagnol), Royan est la quatrième ville de France à posséder "son" Studio - ou plus exactement ses studios, car partout l'appellation se voulait toujours au pluriel.
N'importe ! cela servait, en définitive, la cause de Royan et sa propagande à l'extérieur. Pensez-donc ! Une station à la mode disposant de studios de cinéma, ne se compare pas avec n'importe quelle ville !
Ces installations n'avaient qu'un lointain rapport avec les gigantesques établissements américains... Il convient de comparer ce qui est comparable et, toutes proportions gardées, le studio de Royan n'est nullement ridicule, avec ses cinq plateaux, sa piscine et son éclairage de 1 500 ampères. (Celui de Marseille ne comptait que trois plateaux aux dimensions inférieures et pas de piscine).
N'accordons pas au studio de Royan plus d'importance qu'il n'en a eu. On ne réalisa pas, sous ses sunlights, de grands classiques de l'écran, mais il ne faut pas cependant, minimiser son rôle. Il eut le mérite d'exister et de nous léguer d'honnêtes productions "tous publics" qui se voulaient seulement de bons divertissements.
Emile Couzinet fut l'incarnation du dynamisme et conduisit de main de maître une équipe de courageux artisans.
René Renneteau, futur directeur du Casino de Royan des années 1970, fut le chef-décorateur et su reconstituer non seulement avec habileté les intérieurs les plus difficiles à rendre, mais confectionna également avec un talent sûr, les maquettes destinées à l'illustration du matériel publicitaire.
Serge Dupeux fut le photographe officiel de plateau.
Entre 1937 et 1944, quatre films de long métrage porteront la griffe des Studios de Royan Côte de Beauté.
Ils nécessiteront la venue d'acteurs réputés, parmi lesquels plusieurs interprètes habituels des œuvres de Marcel Pagnol : Charpain, Robert Vattier, Alida Rouffe. Puis ce seront Paul Cambo, Jeanne Fusier-Gir, Jean Chevrier, Jany Holt, les pensionnaires de la Maison de Molière : Catherine Fontenay et Jean Weber. D'autres encore, oubliés de nos jours tels Gaston Modot qui fut l'acteur fétiche des "premiers grands" du cinéma : Louis Delluc, René Clair, Luis Bunuel, Julien Duvivier, Jacques Becker et Jean Renoir.
N'oublions pas le chien policier Rin-Tin-Tin qui figura aussi au générique.
Émile Couzinet fut producteur, metteur en scène, réalisateur, scénariste, distributeur et exploitant...plus que Charlie Chaplin qui n'a pas été exploitant...
Il organisait de nombreux concours pour sélectionner de jeunes et futures vedettes et faisait de nombreuses avant-premières pour mieux lancer et vendre ses films.
Quatre films portèrent le label des studios de Royan
Émile Couzinet : grande gueule, mais cœur d’or
La réalisation de ces films suscitait, dans le pays, une animation remarquable... et remarquée. La figuration faisait appel aux ressources locales. Les acteurs étaient appelés quelquefois à tester les abris particuliers de la trop fameuse “poche de l’Atlantique” car il fallait, ne l’oublions pas, se plier à certaines règles édictées par l’autorité occupante...
Malgré les difficultés de l’heure, la sortie sur les écrans de la région, d’un film tourné à Royan, constituait pourtant un événement. Les salles étaient littéralement prises d’assaut par le public, et on faisait la queue au cinéma. Le matériel publicitaire, évidemment suggestif, ne manquait pas de mettre en relief l’élément local : “un film d’Émile Couzinet” devenait insensiblement synonyme de spécialité du pays ! Les affiches s’accompagnaient d’additifs portant l’indication : “film réalisé aux studios de Royan” ou “film tourné dans la région de Royan”.
Les communiqués de presse faisaient chorus. Toute la contrée se sentait concernée et les spectateurs affluaient. Esprit de clocher, dira-t-on ? Peut-être, mais dans ce qu’il a de bon, de sympathique. Pour l’extérieur, nous l’avons dit, c’était de bonne propagande. Émile Couzinet - le distributeur - ornait les dossiers destinés aux exploitants, d’une excellente publicité : “un film tourné aux studios de Royan, Côte de Beauté”, familiarisant ainsi le lecteur avec cette appellation officieuse et avec celle qui était officielle depuis peu - de “Charente-Maritime”, si conforme à la réalité.
Les studios furent réquisitionnés par les Allemands pour servir d’entrepôts et si, contrairement à ce que l’on a écrit, ils ne furent pas détruits pendant le bombardement, ils ne survécurent pas à la tourmente. Émile Couzinet reconstitua ses studios à Bordeaux, sous la dénomination de “Studios de la Côte d’Argent”. Vingt-deux longs métrages y furent tournés. On y remarque entre autres, José Luccioni, Jacques Louvygni, Duvalles, Pierre Larquay, Jeanne Fusier-Gir, Maryse Martin, Gabriello, Jean Tissier, Jean Carmet, etc. Émile Couzinet revint tourner à Pontaillac les extérieurs de Quand te tues-tu ? en 1952 avec Jean Tissier et Duvalles que l’on pouvait voir deviser gaiement avec “Miss Cinéma Saintonge” Josyane Jourdan. Car Émile Couzinet aimait donner leur chance aux jeunes rêvant de cinéma, et organisait souvent des concours pour trouver de jeunes talents. Émile Couzinet a habité Royan dans la villa “Rose Rouge” du Boulevard Garnier. Sacha Guitry et Yvonne Printemps ont logé aussi dans cette villa en 1926 puis à “Aigue Marine” sur le même boulevard. Il était né avec le cinéma en 1896 à Bourg-sur-Gironde, l’année même où le cinématographe Lumière arrivait dans la région. Il est décédé en 1964.
En savoir plus : biographie d'Émile Couzinet et "Citizen Couzinet" aux Éditions Bonne Anse