Pierre Dugua Sieur de Mons
L'historienne Marie-Claude Bouchet a retracé l'histoire de ce Royannais, initiateur de la Nouvelle-France. Ce discours a été prononcé le 4 mai 2013, à l'occasion du lancement de la nouvelle vedette de la Société Nationale de Sauvetage en Mer, baptisée Sieur de Mons.
Pierre du Gua, sieur de Mons, est un Royannais qui, au XVIIe siècle, a joué un rôle important dans l'histoire de la France d'Outre-Mer.
L'attrait du sieur de Mons pour les choses de la mer lui est peut être venu de sa jeunesse dans la demeure familiale de Mons, située sur la colline de Saint-Pierre, où il est né vers 1560. De là, il pouvait contempler le spectacle des navires, allant et venant sur l'estuaire. Appelé plus tard à combattre dans les armées du roi, au temps des guerres de Religion, il se distingua en Normandie, à Honfleur puis à Dieppe et eut alors l'occasion de rencontrer des marins, des armateurs, des marchands de ces ports tel ce Pierre Chauvin, un négociant de Honfleur, qu'il accompagna dans un voyage à Tadoussac, sur le fleuve Saint-Laurent, en 1599.
En 1604, le sieur de Mons retourne au Canada, mais investi cette fois d'une lourde mission. Henri IV est tenté par la reprise d'une aventure coloniale vers les régions d'Amérique du Nord, découvertes par des Français, des années auparavant et nommées par eux Acadie et Nouvelle-France. Un peuplement permanent avait été tenté mais les guerres de religion avaient interrompu l'entreprise. Les marchands et armateurs souhaitent à présent qu'elle reprenne, en raison des profits qu'ils pourraient tirer du commerce des fourrures avec les Indiens, si des comptoirs permanents étaient installés. Mais le gardien des finances, Sully, veut avant tout restaurer l'économie française, l'agriculture en particulier : « Labourage et pâturages... », vous connaissez la maxime. C'est alors que le sieur de Mons entre en scène. Henri IV, lui demande de lui soumettre un projet de colonisation de ces territoires lointains, mais sans qu'il en coûte un sou à l'État. Le sieur de Mons conçoit alors un plan : pour résumer, il propose que tous les frais de l'établissement de la future colonie soient pris en charge par une société de marchands qu'il va constituer et qui aura le monopole du commerce des fourrures avec les Indiens.
Le roi ayant donné son accord, voici notre Royannais commis au titre de Lieutenant général sur toutes les mers, côtes, îles et contrées de la région de l'Acadie. En outre, et vous apprécierez, il se voit décerner le grade de vice-amiral.
En quelques mois, le sieur de Mons trouve des associés, recrute des volontaires, loue des navires avec leurs capitaines. Il a vendu son château de Mons et tous les fiefs alentour pour investir dans l'aventure ; même la dot de sa femme y passe.
Le bateau sur lequel il embarque s'appelle le Don de Dieu. C'est pour l'époque un assez grand navire d'une trentaine de mètres et du port de 150 tonneaux, qui va chaque année à la pêche à la morue, aux Terres-Neuves. On y entasse les hommes, les vivres en quantité, les armes, les matériaux et les outils. Champlain est du voyage : c'est un marin expérimenté. Cartographe, il sait aussi dessiner et écrire. Un autre navire fait partie de l'expédition : il se nomme la Bonne Renommée.
Le départ a lieu du Havre au début d'avril 1604 et on touche terre début mai ; la traversée n'aura duré que 22 jours.
La reconnaissance le long des côtes, à la recherche d'un site d'installation, se fait avec des embarcations plus petites, des « pattaches » amenées en pièces détachées sur le bateau et assemblées à terre. Avec Champlain, le sieur de Mons découvre alors cet univers qui lui est confié : ses immenses forêts de pins, sapins, bouleaux, sa faune aquatique et terrestre : phoques, loups marins, castors à la fourrure précieuse, ses innombrables espèces d'oiseaux. Ils rencontrent aussi les hommes : des naturels mal coiffés et peu vêtus, souvent accueillants, parfois méfiants ou carrément hostiles, qu'il faut essayer d'apprivoiser. De quoi être pris de vertige devant l'immensité de la tâche !
L'expédition traverse la Baie de Fundy que le sieur de Mons nomme Baie Française et s'établit sur l'île Sainte-Croix, un peu à l'intérieur des terres, sur la rivière du même nom. Durant l'hiver, la colonie est victime du froid, de la pénurie de vivres et de boissons. Le scorbut entraîne la mort d'une trentaine des 80 occupants de l'Habitation. Alors l'été venu, on retraverse la baie de Fundy pour s'installer sur un très beau site baptisé Port-Royal. Une nouvelle habitation est construite, mieux adaptée à l'environnement et au climat. À son voisinage, une tribu d'Amérindiens, les Micmacs, vont se montrer coopératifs avec les Français.
Dugua de Mons quitte Port-Royal en octobre 1605. Il est resté un peu plus d'un an en Acadie. Il n'y reviendra jamais... Il rentre en France pour défendre son monopole contesté et son projet de colonisation qui se heurte à l'hostilité d'une partie de la Cour.
Cependant, en 1608, il enverra Champlain fonder Québec sur le Saint-Laurent et continuera depuis la France à veiller aux destinées de Québec et de l'Acadie, jusqu'à sa mort en 1628, en son Château d'Ardenne en Saintonge.
Les fondations de Port-Royal et de Québec, dues au sieur de Mons, ont jeté les bases d'un immense empire français d'Amérique, disparu aujourd'hui, mais dont l'héritage linguistique et culturel est encore bien vivant.
Honneur donc au sieur de Mons et longue vie à ce bateau et à son valeureux équipage !
En savoir plus : Pierre Dugua de Mons de Guy Binot et Samuel de Champlain, carnet de voyage au Canada de Bernard Mounier & Patrick Henniquau aux Éditions Bonne Anse