Le siège de Royan en 1622
Traduction et commentaire de Marie-Claude Bouchet, présidente de la Société des Amis du Musée de Royan. Collection Bernard Mounier (cliquer sur une image pour l'agrandir).
Traduction
Lettre du Roy à Monsieur le Comte de S. Paul, sur la prise et réduction de la Ville de Royan, en l'obéissance de sa Majesté.
Mon Cousin,
Vous avez bien su qu'après la déroute du Sieur de Soubise et ses troupes, je m'étais acheminé devant cette place, où arrivé je l'ai tellement fait presser, qu'en cinq ou six jours, ceux de dedans ayant perdu tous leurs dehors, et mes soldats étant logés dans leurs fossés : ils se sont aujourd'hui résolus de m'envoyer demander la vie, leurs armes et bagages, à quoi usant de ma bonté accoutumée je les ai reçus, à la charge qu'ils sortiront dans ce même jour et ne porteront plus les armes contre mon service ; ce dont j'ai bien voulu vous avertir et que je continue mes desseins pour la réduction de mes autres villes, occupées par les rebelles, en espérance que Dieu me continuera aussi ses bénédictions, au rétablissement de mon autorité et de la paix et tranquillité du Royaume : c'est à quoi tendent mes voeux vers la Divine bonté que j'en prie incessamment, et de vous avoir, mon Cousin, en sa sainte garde.
Ecrit au Camp devant Royan, le onzième Mai, 1622.
Signé Louis ;
Et plus bas, Brulard. Et sur la suscription, A mon Cousin le Comte de Saint Pol.
FIN
Plan des fortifications de Royan
Dessinateur : René Barry. Date : 1622.
Commentaires
Aucun doute sur l’auteur de cette courte missive : il s'agit bien sûr de Louis XIII, âgé alors de 21 ans. Ayant accédé au trône à 9 ans, après l’assassinat de son père Henri IV en 1610, il dut subir la tutelle de sa mère, Marie de Médicis, régente, et du favori de celle-ci, l’Italien Concini. En 1617, le roi éloigne sa mère, fait abattre Concini et réprime une révolte des Grands.
Il lui faut alors faire face à la rébellion des provinces protestantes du sud-ouest notamment à l’assemblée réformée de La Rochelle en 1620 qui veut créer une fédération républicaine sur le modèle des Provinces Unies et mettre sur le pied de guerre les places-fortes protestantes concédées par l’Edit de Nantes.
C’est dans ce contexte, que se déroule le siège de Royan, en 1622, dont la lettre évoque le dénouement. Le destinataire, le comte de Saint-Pol, que le roi nomme mon cousin, est sans doute apparenté à l’illustre Maison de Luxembourg. L’un de ses ancêtres, Louis de Luxembourg, fut fait connétable par Louis XI en 1465, avant d’être executé sur l’ordre de ce même Louis XI, pour haute trahison.
Le lieu est clairement désigné : écrit au camp devant Royan. Durant le siège, du 4 au 11 mai, les troupes royales ont déployé leurs forces tout autour de la citadelle, entourée de murailles et protégée par des bastions, entourés de fossés. Sur la gravure du Siège de Royan, de Bonnevau, on distingue les tentes du campement et du côté de Foncillon, la tente royale où le roi tenait conseil et d’où il dirigeait les opérations.
La date est celle du mercredi 11 mai, le jour même de la reddition de la place de Royan aux troupes royales. Vers huit heures du matin, un appel de tambour, la "chamade", ayant annoncé l’intention des assiégés de se rendre, le roi leur fit remettre ses conditions à 11h; leur accordant une trêve d’une heure. Il revint au camp à midi, prendre connaissance de la réponse qui ne faisait aucun doute. Il réunit son conseil et peut-être est-ce alors qu’il dicta cette lettre.
La place fut remise à 5h. du soir selon les conditions prescrites, aux mains du "nouveau gouverneur Isaac de Raynié, sieur de Drouet, capitaine des gardes, ayant 35 ans de services".
Le roi ne fera son entrée solennelle dans Royan que le lendemain 12 mai ou peut-être seulement le 16 mai, car il demeura jusqu’à cette date à Châtelard, "petit hameau de 12 ou 15 maisons chétives de paysans , proche de Royan, dans un logis improvisé."
Plan véritable envoyé à sa Majesté par le Sieur de Bonnevau
Ville, château et siège de Royan
Dessinateur : Bonnevau. Date : 1622.
Le contenu de la lettre
Malgré le caractère conventionnel de cette correspondance, le ton de la lettre révèle l’allégresse du triomphe du jeune roi qui vient de connaître à Royan, son baptême du feu.
Le roi commence par évoquer "la déroute du sieur de Soubise" : le prince de Soubise, Benjamin de Rohan, est le frère du chef des huguenots, Henri de Rohan. Il a en charge la mise sur le pied de guerre des places-fortes de Saintonge. En décembre 1621, il a conquis Royan et remplacé son gouverneur La Chesnaye, protestant mais fidèle au roi, par le baron de Saint-Seurin.
Mais Soubise n’a pu empêcher la capitulation de Saint-Jean-d’Angély et il a subi en avril 1622, une lourde défaite à Rié en Vendée.
La suite de la lettre donne l’impression d’une victoire facile et rapide à Royan, pourtant puissamment fortifiée avant le siège par ses gouverneurs protestants.
En réalité, l’investissement de la place a commencé le 25 avril, par les troupes du duc d’Épernon , gouverneur de Guyenne..Assez rapidement, le baron de Saint-Seurin a cherché à négocier avec d’Épernon , mais comme il était sorti de la forteresse pour traiter, les adversaires de la reddition ont fait tirer sur lui le canon et arrêter ses partisans. C’est alors que le roi a décidé de venir en personne pour réduire la ville rebelle.
Le siège par les troupes royales débute le 4 mai et s’achève le 11 mai.
Les pertes des assiégeants s’élèveront à 120 tués ou blessés, notamment lors de l’attaque du bastion du faubourg, le 9 mai, par suite de l’explosion d’une mine placée par les assiégés qui de leur côté eurent une soixantaine de tués.
Le 7 mai, en inspection du côté du bastion de Soubise, le roi manqua d’être tué par un boulet royannais. C’est la prise par les royaux du bastion de Soubise le 10 mai qui, après la chute du bastion du faubourg, amena la capitulation du commandant de la place, Lanoue, et de la garnison.
Vue du château en ruines
Dessinateur : Tassin. Date : vers 1636.
Les conditions de la reddition
Faisant preuve d’une clémence royale, Louis XIII accorde la vie sauve aux défenseurs de la place, et le droit de se retirer où ils voudront (sauf dans l’île d’Argenton et au Médoc) avec armes et bagages, hormis les canons, munitions et vivres.
Le roi accorde la liberté de confession, selon l‘Edit de Nantes, que son père avait promulgué. Il autorise les rebelles à revenir à Royan par la suite, sous réserve de la promesse de ne plus "porter les armes contre le roi".
Pour conclure sa missive, le roi se promet de poursuivre la lutte pour réduire les autres places-fortes rebelles; sans doute songe-t’il en premier lieu à La Rochelle, centre des velléités d’indépendance des Réformés.
Ce qu’il advint de Royan par la suite
Royan - Dessinateur : Mérian. Date : 1655.
La "bonté du roi" n’a pas réussi à éteindre les haines religieuses d’autant que la liberté de culte consentie aux Royannais n’a pu s’exercer, faute de pouvoir disposer d’un temple, occupé par la garnison et devant l’interdiction d’en bâtir un autre.
De même, l’autorisation de retour des Royannais dans la vieille ville à l’intérieur des murailles, est demeurée lettre morte. Aussi les ressentiments furent loin de s’apaiser.
La suite est controversée : de nombreux historiens évoquent un second siège de Royan par d’Épernon en 1623, à la suite d’une révolte des habitants, la prise de la ville ayant été suivie de pillages et du massacre des habitants.
Ce qui est certain en revanche, c’est que, à la suite des dernières rébellions huguenotes, conclues par la chute de la Rochelle en 1628, Richelieu ordonna les "razement et démolition entière des fortifications, tours et murailles, châteaux et maisons qui sont dans l’enceinte de la ville de Royan".
C’était la fin d’une période glorieuse et mouvementée de l’histoire de la cité...