La conche de Pontaillac
Par Yves Delmas
La région de Pontaillac est constituée d'un plateau calcaire datant du crétacé, qui s'est formé il y a 140 à 150 millions d'années.
A l'ère tertiaire, il y a 60 à 65 millions d'années, la surrection des Pyrénées, puis des Alpes, a froissé par contrecoup le plateau créant l'estuaire de la Gironde. En même temps, de petits froissements transforment en "tôle ondulée" sa rive nord, créant des baies, dont celle de Pontaillac.
Celles-ci seront appelées "conches" à partir du XVe siècle(1).
Au quaternaire, vers 30 000 Av. J.C. débute la glaciation de Wurm. Le niveau des mers baisse de 110 mètres par rapport à aujourd'hui. Lorsque le climat s'adoucit, vers 10 000 av. J.C., la remontée des eaux perturbe l'écoulement des ruisseaux, aussi les vallons, les dépressions se tapissent de vase. Ainsi s'est formé le marais de Pontaillac.
Les vents, les courants marins vont déposer du sable dans les conches. Le plus fin tapissera le rivage. Ce qui en fera tout son charme lorsque se développera, au début du XIXe siècle, la mode des bains de mer.
C'est avec l'arrivée des Celtes, vers 800 av. J.-C., que va commencer la mise en valeur de la région. Une de leurs nations, les "Santons", s'installe entre Charente et Gironde et va donner son boom économique à notre province, la "Saintonge".
Avec la conquête romaine, à partir de 52 av. J.-C., de grandes "villae", qui sont des exploitations agricoles, s'installent dans la presqu'île. Ces "villae" portent le nom de leur propriétaire. L'une de celles-ci se trouve en bordure d'un marais, entre Vaux et Royan.
C'est le domaine de "Pontillus" ou "Pontillacum" qui donnera "Pontaillac". (2)
Entre le Ve et le Xe siècle, la Saintonge est perturbée par les invasions, les guerres civiles. Cela se traduit par la décomposition du pouvoir central. Les petits seigneurs locaux deviennent tout puissant, pour remettre en valeur leurs terres, ils utilisent le système du "servage".
On "attache" une famille à une terre et non plus à une personne. L'unité de culture que l'on "donne" au serf s'appelle un "Maine", mot gascon dérivé du latin "manere" (demeurer). Sur le plateau des Brandes, entre Pontaillac et le Pigeonnier, il existe "la rue du Grand Maine" qui perpétue le souvenir de cette époque.
A partir du XIIIe siècle, il y eut des domaines plus vastes, exploités par des hommes libres qui devaient, en échange, la moitié des fruits de leurs terres au seigneur. Ces domaines étaient des "moitoieries", ce qui voulait dire "la moitié". Avec le temps, le mot, déformé, à donné "métairie".
Jusqu'au milieu du XIXe siècle, il n'y aura comme construction importante autour du marais que la ferme de Pontaillac et la métairie.
Vers 1840, la région de Pontaillac a, encore, une économie essentiellement agricole. La culture céréalière, importante, explique la présence de moulins à vent assez nombreux. L'amas de dunes ne sera planté en pins maritimes que sous le Second Empire.
En 1855, Jean Lacaze, entrepreneur bordelais, achète 24 hectares en bordure de la conche pour la somme de 32 000 F.
En 1856, il fait construire, sur la falaise des Brandes, une magnifique villa. Cinq autres s'aligneront le long cette conche. C'est ainsi que Pontaillac devient "une plage".
En 1872, le docteur Auguste Guillon fait creuser, sur le rocher des Brandes, des "piscines" et des "baignoires" et ouvre un établissement de thalassothérapie en plein air. Un propriétaire, qui possédait de nombreux prés dans le marais, a l'idée de faire ramasser la glace qui se forme l'hiver dans les fossés. Elle est entreposée sur le plateau, dans une fosse de 3 mètres de diamètre et 3 de profondeur, protégée par, des chaumes. L'été venu, la glace est vendue aux restaurants et aux cafés à la mode. A cause de cette fosse, le plateau s'est appelé "la Glacière".
A la Belle Époque, Pontaillac est devenu une des plus élégantes stations balnéaires de la côte océane. En 1904, on "relooke" la plage et la façade Verthamon. On construit "la Restauration" sur pilotis. Le bâtiment est magnifique, avec d'immenses baies vitrées et une vaste terrasse qui domine la conche.
Après le choc de la "Grande guerre", la vie balnéaire reprend son cours. Le 29 juin 1922, par décret, Royan est classé "station climatique". De plus en plus, la petite bourgeoisie, grâce au chemin de fer, vient passer les fins de semaine à Royan. Ce qui explique l'ouverture d'un cinquième hôtel à Pontaillac. Se développent également les "agences de location", très rares avant 1914. Le directeur de l'une d'entre elles précise : "qu'il est le seul natif de Pontaillac, pouvant ainsi donner tous les renseignements nécessaires sur les emplacements et les villas".
Dans les "années trente", l'automobile devient envahissante.
Avenue de Pontaillac, pendant la saison, on ne peut plus circuler à cause des embouteillages. Aussi la municipalité décide, en 1935, de faire couper les magnifiques arbres plantés sur le trottoir de gauche, le long de l'avenue, pour élargir au maximum la chaussée.
En 1934, il existe déjà cinq stations de taxis, dont l'une sur la place de Pontaillac. Sur la plage, on assiste à la "libération de la femme", conséquence de la guerre et des mouvements féministes. Les dames abandonnent le "costume de bains" et adoptent le maillot, léger et qui sèche très vite. Aussi, une femme peut rapidement remettre une robe légère par dessus. La cabine de bains n'est plus indispensable.
C'est une révolution car, depuis plus d'un siècle, toute l'organisation des plages était conditionnée par l'implantation de ces cabines de bains. Aussi, pour la troisième fois, on remodèle la conche. On détruit "La Restauration" et, en 1931, on construit le "Sporting-casino". On supprime les cabines de bains. Le "Grand Hôtel de l'Europe", agrandi, devient le "Golf-Hôtel", l'un des plus luxueux de Royan.
Pour défendre les intérêts du quartier, on crée un "Syndicat de Pontaillac". A partir de 1937, il édite une revue, hebdomadaire en saison, "Pontaillac plage".
De plus en plus de gens font construire dans la commune de Royan. Entre la conche du Chay et celle de Pontaillac, les champs, les vignes ont disparu pour faire place aux villas. Même le bas du marais, derrière la façade Verthamon, n'échappe pas à cette conquête urbaine (3).
Le 3 septembre 1939, c'est le début de la Seconde guerre mondiale. Le 20 mai 1940, les Allemands déclenchent la "Blitzkrieg", la "guerre éclair". Le 22 juin, c'est l'armistice. La France est coupée en deux : une zone libre et une occupée qui englobe la presqu'île d'Arvert.
Le 24 juin au matin, un détachement allemand arrive à Royan. Le commandement de la marine s'installe au Golf-Hôtel de Pontaillac. Le Sporting-casino est réservé exclusivement aux occupants. Le 15 août 1940, à la suite de la mort suspecte d'une sentinelle devant le Golf-Hôtel, la ville de Royan est frappée d'une amende de 3 millions de francs. Dix membres du conseil municipal sont arrêtés comme otages. De plus, "les plages sont interdites aux chiens, aux Juifs et aux Français".
A partir de 1942, l'agence Todt construit "le Mur de l'Atlantique" qui englobe la presqu'île d'Arvert. A l'aube du 5 janvier 1945, 350 bombardiers "Lancaster" de la R.A.F. déversent 1 500 tonnes de bombes sur le centre ville qui est détruit en presque totalité. Le général de Larminat met au point le plan "Vénérable" pour libérer la "Poche de Royan". L'ordre général d'attaque est donné le 13 avril 1945. Dans la matinée du 17, le Corps franc du Bataillon Foch et dix chars "Sherman" traversent les champs de mines, guidés par un feldwebel prisonnier. Ils attaquent le Golf-Hôtel, siège de l'état-major allemand. Celui-ci, avec à sa tête le Contre-Amiral Michahelles se rend à 12 h 40. La presqu'île est libérée le lendemain à 7 heures. C'est la fin de la guerre dans la presqu'île d'Arvert...
L'obsession de la municipalité est de redonner vie à une ville en ruines, pour éviter le choc psychologique de "ville-morte". Heureusement, les deux quartiers du Parc et de Pontaillac ont été relativement préservés. Aussi, pendant près d'une dizaine d'années, le temps de construire une "ville nouvelle", l'essentiel de l'activité économique et festive se tiendra au Parc et, surtout, à Pontaillac. Car le "Sporting-casino" est sorti indemne de la guerre. De plus, la municipalité, dont les bâtiments ont été détruits, s'installe à Pontaillac, dans la villa "Sémida", boulevard Jean Lacaze. Le Golf-Hôtel est réquisitionné. On y installe une cantine pour porter secours aux plus démunis.
Dès 1947, le "Syndicat général de Pontaillac" essaie de relancer la saison touristique. La conche est intacte. La publicité précise que "c'est une plage magnifique, entièrement déminée, où les bains sont surveillés".
Des "pensions" s'ouvrent, moins chères que des hôtels. Un "village de toile" accueille les familles plus modestes. En bordure de la conche, une dizaine de restaurants attend les estivants.
Cette année de 1947, l'État décide de relancer le "Tour de France" cycliste. La ville fait de gros efforts pour que Royan devienne "ville-étape". C'est ainsi que, devant une foule nombreuse, le "Tour de France" s'arrête à Royan, le mardi 15 juillet 1947. En fait, l'arrivée a lieu sur la façade de Verthamon, le centre ville étant inaccessible.
Le déblaiement est terminé en 1948. Le 27 mars, le "Sporting" lance la saison par un "bal des parfums". Lentement, le nombre de vacanciers augmente.
Alors qu'avant 1914 les vacances avaient été "inventées en version élitaire pour le bonheur d'aristocrates curieux, de bourgeois paisibles et de dandys huppés, à partir de 1960 les vacances sont devenues un acte social attendu, consommé" (4).
En France, entre 1951 et 1966, le nombre de vacanciers passe de 8 à 20 millions. Il y a deux raisons à cela. Les congés payés, créés en 1936, sont maintenant entrés dans les moeurs, d'autant qu'en 1956 on vote une troisième semaine de congés et, en 1969, une quatrième. Mais surtout, l'arrivée en force de l'automobile va bouleverser les habitudes.
Dès 1948, au 35e Salon de l'Automobile, on lance la 2 CV Citroën. Quelques années plus tard, apparaît la ACV Renault. La voiture populaire est née. Aussi, entre 1953 et 1967, l'équipement automobile des ménages ouvriers passe de 8% à 47%.
Pontaillac s'adapte à cette situation. L'ère des palaces est révolue. Le Golf-Hôtel, l'un des plus luxueux de Royan, sera transformé en "résidence". Dès 1950, à Pontaillac, on commence à construire sur des parcelles libres. Pour aller plus vite, on se lance dans le "lotissement". C'est ainsi qu'on prévoit, dans le secteur de la Métairie, trois plans de construction, ceux de 1965, 1975 et 1990. Celui de 1975 est le plus important. On crée d'abord un environnement agréable. Dans le marais, on creuse un lac avec des sentiers de promenade et des pelouses. On prévoit près de 200 lots divisés en "groupes d'habitations".
Dans les années quatre-vingt-dix, on complète l'implantation des villas. Au sud, entre le lac et le boulevard de la Perche, on réalisera trois groupes d'habitations : "Plaisances du Lac", "Plaisances de la Métairie" et "les Terrasses". En même temps, on construit de grandes "résidences avec studios et appartements", par exemple "Pontaillasolis". Aujourd'hui, un tapis continu d'habitations couvre tout le littoral, entre la Grande Conche et Saint-Palais, avec, surtout, une forte densité entre le "Front de mer", en centre ville, et Pontaillac.
Le raz de marée du 6 janvier 1926 sur la Conche de Pontaillac
La terrasse et la balustrade de la "Restauration" sont ravagées. Quant aux cabines de bains construites en 1902 sur la partie ouest de l'esplanade, leur structure en bois n'a pu résister au raz-de-marée.
Portes défoncées, cabines disloquées, escaliers d'accès arrachés
du parapet montrent la violence du séisme
La Conche après le raz-de-marée
La région de Pontaillac vers 1840
Les moulins à vent :
A - De la Perche
B - Brochet
C - Boudin
D - Des Epérailles
E - Des Gardes ou de Gombaud
F - Du «Bon compte»
G - Du Chay
H - Alignement de 5 moulins sur la colline des Groies, dans la commune de Vaux.
Saviez-vous ce qu’étaient nos rues auparavant ?
En 1939
En 1990
En 2000 (en 1840):
• Boulevard de Cordouan (Chemin vicinal n°7)
• Boulevard de la Perche (Chemin vicinal n°17)
• Avenue Charles Régazzoni (Chemin de Terre Nègre à Royan)
• Chemin rural n°11, puis Rue des Loutres (Voie communale n°128)
• Rue de la Glacière (Voie communale n°205)
• Rue de la Métairie (Chemin de la Métairie)
• Boulevard de la Côte d’Argent (N°1 Chemin littoral de la falaise)
• Rue de Gâte-Bourse (N°2 Chemin de la Métairie à Tapin Nègre)
• Boulevard Champlain (N°3 Chemin de Tapin Nègre à la Font-de-Cherves)
• Rue Jacques Cartier (N°4 Chemin de Tapin Nègre)
• Rue Jules Robert (N°5 Chemin des moulins des Gardes)
• Rue Eugène Fromentin (N°6 Chemin des Epérailles)
• Allée du Brochet (Chemin rural)