Jean-Paul Jaud
L'œil de l'écolier : Jean-Paul Jaud s'est fait en nom en réalisant la retransmission des matchs de foot sur Canal+. Souvenirs d'un élève « contemplatif ». Sud-Ouest du 10/11/2004
Si l'on interroge un réalisateur sur ses souvenirs, ce sont les images qui affluent les premières. La vaste salle de dessin dans l'ancien bâtiment, traversée de lumière. Un instantané pour évoquer les professeurs de cette discipline qu'il affectionnait particulièrement. Quelques profs difficiles aussi. Peu, mais des visages évoqués avec émotion comme celui de Mme Colle. Et puis, les pins, partout autour de soi, la dune, le goût du sable de la cour de récréation qui collait à la peau, les bagarres mémorables entre garçons mesurant leur force naissante, puis reprenant le chemin des classes, couverts de sable et trempés de sueur. Tout près enfin, à portée de regard, délicieuse tentation, la plage, la mer, les vagues. « J'ai toujours été un contemplatif », avoue tranquillement Jean-Paul Jaud.
C'est sans doute pour éviter de trop se laisser aller à ce penchant naturel que le Royannais, après ses années de collège, part à Melle en seconde, puis au lycée Eugène-Fromentin de La Rochelle. C'est là qu'il rencontre Alain Bougrain-Dubourg avec lequel il réalisera plus tard des documentaires animaliers, et un réalisateur Luc Béraud. Il quitte la Côte Atlantique après son bac pour rejoindre Paris, la Sorbonne d'abord et deux ans d'étude de psychologie, puis l'école de cinéma Louis-Lumière, rue de Vaugirard.
Rocheteau. Au début des années 1970, il entre comme caméraman à la S.F.P. et découvre le direct, notamment le direct sportif. Il devient réalisateur en 1979. Même à Paris, il entend parler du pays. Son premier documentaire est consacré à Dominique Rocheteau, un Étaulais comme lui, qui lui a succédé au collège Émile Zola avant de faire merveille devant ses caméras.
Sous la baguette du réalisateur royannais, de grands noms ont fait leurs débuts à la tête d'une émission télé. Thierry Ardisson avec Scoop à la une. Jean-Paul Jaud a ensuite réalisé pour lui Lunettes noires pour nuit blanches et enfin Star à la barre. Bernard Tapie qui affichait déjà ses Ambitions, et Les Inconnus qui frappaient fort en prime-time. Parallèlement à ces émissions de variétés, le réalisateur planche sur le sport pour Antenne 2.
Le foot selon Canal +. En 1984, coup de tonnerre dans le monde du direct et des retransmissions de matches de football. Canal + change la donne, avec aux manettes, Jean-Paul Jaud. « J'ai voulu apporter ce qui ne se faisait pas, rajouter des caméras, aller chercher le son intéressant, entrer dans les vestiaires, montrer ce que j'avais envie de voir ».
L'œil du cinéaste mais aussi le sens du geste sportif, la compréhension du jeu, toute chose acquise pendant les années collège, à Royan. « Je faisais pas mal de sport à cette époque, du volley-ball, du handball. Dans notre équipe de football, le gardien de but était un certain Didier Quentin. J'aimais aussi beaucoup la pelote basque que je pratiquais au ROC avec Denis Bujard. Au début, je jouais à main nue. Mes mains d'ado étaient si abîmées le dimanche, qu'en début de semaine, en cours, je pouvais à peine tenir un crayon. Mais le samedi, j'étais prêt à recommencer. M. Larripa, notre professeur d'origine basque, avait su nous donner le goût du sport ».
Quatre saisons en France. Toujours en mouvement, le réalisateur a gardé sa passion intacte, heureux de faire un « métier magique ». Sans délaisser le direct, il épouse depuis une dizaine d'années un autre rythme, celui des documentaires qu'il tourne régulièrement et pour lesquels il a créé une maison de production avec sa femme, « j+b séquences ». Le maître de l'instant a laissé le temps s'installer dans sa collection Quatre Saisons en France.
Il nous fait partager pendant une année la vie d'un berger des Pyrénées françaises, celle du chef cuisinier Guy Savoy ou du château Yquem, et bien sûr celle des ostréiculteurs de Marennes-Oléron. Attaché aux hommes, à la terre, aux terroirs, il exprime dans ses films une sensibilité écologique qui grandit au fil du temps. Il prépare actuellement un documentaire sur la bio-dynamie, une forme alternative d'agriculture biologique. A l'aune de ce tourbillon d'entreprises et d'impératifs, les années de Jean-Paul Jaud au collège Émile Zola apparaissent comme un doux prélude aux passions futures, l'époque légère des copains et des Mistrals gagnants, un joli direct à la mémoire.
C'était la classe de sixième de Mme Colle, en 1956/57. Au dernier rang, quatrième à partir de la gauche, Jean-Paul Jaud