Associations
Article publié le mercredi 27 février 2008
En Pays Royannais, dès le printemps, l’air retentit de coups de marteau, les tivolis fleurissent, les affiches bourgeonnent annonçant moult manifestations culturelles, sportives, fêtes, expositions, concerts… Pour tout organiser, les associations battent le rappel des bénévoles, les communes dépêchent leurs services techniques mais l’on a parfois du mal à joindre les deux bouts. Le coup de main providentiel est donné par l’association Initiative Emploi Pays Royannais qui a choisi de développer, dans ce secteur, des chantiers d’insertion. Les demandeurs d’emploi en grande difficulté y trouvent l’occasion de remettre leur vie à l’endroit et l’intervention de l’association est désormais un élément incontournable du paysage touristique, culturel et festif du Pays Royannais.
Première pierre sociale dans le jardin culturel
L’association Initiative Emploi est née, en 1998, d’une volonté de la Communauté d’Agglomération du Pays Royannais et de la Mission Locale, de structurer et de pérenniser un système de formation ayant fait ses preuves au fil des années. A l’origine, une série d’expérimentations menées par l’organisme de formation «Hommes et Savoirs», en 1992-93, dans le cadre du dispositif de préparation active à la qualification et à l’emploi. L’innovation consistait à intégrer des jeunes très peu qualifiés et en difficulté, dans une situation de production leur permettant d’acquérir des « savoir-être » indispensables pour l’accès à l’entreprise (respect des rythmes de travail, des consignes…). Restait à trouver l’activité économique la plus favorable à la mise en place de ces ateliers de production. Un petit tour d’horizon en Pays Royannais et l’idée s’imposa. Dès les premiers beaux jours fleurissent les manifestations touristiques, culturelles, sportives, de loisir, festives, un secteur qui offre une palette variée de travaux non qualifiés, sur lesquels existe peu de concurrence économique. Première expérience sur le Jumping de Royan. Sur une période de trois semaines, 6 à 8 jeunes ont préparé les abords de la clairière du Maine-Gaudin, nettoyé les obstacles, distribué les affiches…
La remise en état des obstacles pour le Jumping de Royan. Couleurs éclatantes et réglages au millimètre. Gare aux sabots qui traînent !
L’orientation se précisa après deux saisons. En 1994-95, un véritable chantier d’insertion fut créé, sur un an, avec la ville de Royan, qui concernait 24 personnes en contrats aidés. Le fil conducteur restait l’aide aux manifestations et l’entretien des sites, notamment du Centre équestre. Terrassement, peinture, aménagement des extérieurs, nettoyage des écuries, remise en état du parc d’obstacles, le travail n’y manquait pas. Il fallait également aider au montage de la patinoire, qu’il fallait ensuite surveiller la nuit, de même que les installations du Rêve d’Icare. Sans oublier les buffets à préparer et les affiches à distribuer pour promouvoir les manifestations.
A l’issue de la saison, François Charrier, alors encadrant, prend en charge le projet et travaille avec la Mission Locale à élargir le domaine d’intervention des chantiers. Les frontières communales sont vite dépassées lorsqu’il s’agit de manifestations et le territoire de la Communauté de Communes paraît plus approprié. La collectivité territoriale voit tout l’intérêt d’un partenariat et, en mars 1998, est créée l’association Initiative-Emploi. Son objectif est de répondre aux besoins avec le personnel en insertion. Elle s’appuie, pour cela, sur un réseau de partenaires qui lui font confiance : associations, communes et Communauté d’Agglomération, services techniques… Plusieurs de ces partenaires sont d’ailleurs adhérents et membres du Conseil d’administration de l’association dont le président, depuis décembre 2004, est Vincent Barraud, maire d’Etaules et Vice-Président de la CDA chargé de la culture.
Ambiance studieuse lors de l’assemblée générale de l’association. Le directeur François Charrier fait le point sur le fonctionnement du couple culture et insertion sociale.
Une greffe réussie
Depuis 2000, l’association est entrée dans une phase de structuration et de pérennisation du personnel. Elle a emménagé au centre technique de la CDA, dans la zone artisanale de Saint-Sulpice-de-Royan. Son domaine d’intervention initial, l’aide logistique aux manifestations, s’est élargi au secteur de l’entretien et de la mise en valeur du patrimoine et de l’environnement. Les chantiers d’insertion se sont subdivisés et comptent désormais quatre équipes permanentes.
Deux interviennent dans le domaine technique, deux dans le domaine de la communication.
Les agents techniques polyvalents s’occupent de l’aménagement et de l’entretien des espaces naturels, de la manutention et de la mise en place des équipements (tivolis, tribunes, parquets, stands, tables…), de la sécurisation et du nettoyage des sites.
Le montage des tribunes et des tivolis pour le Festival Humour et Eau Salée à Saint-Georges-de-Didonne. Pas le temps de rigoler !
Les assistants aux manifestations se consacrent à la construction de mobiliers d’exposition, de signalétiques et d’équipements, à la mise en place et à l’accroche des expositions, à l’entretien et au nettoyage de collections de Musée.
Le Musée de Royan déménage en janvier 2004. Remontage des vitrines à quelques heures de l’inauguration. Les salariés de l’association restent zen et assurent.
Les agents d’accueil et d’information sont chargés de la promotion des sites patrimoniaux (site du Fâ, sentiers de randonnée, Estuaire de la Gironde), de l’accueil du public sur les salons et les expositions, sur le Point information « Tourisme et culture » à Talmont-sur-Gironde, de l’animation de la station de sports d’hiver à Royan.
Les agents d’accueil et d’information prêchent la bonne parole de la Sécurité Routière à l’occasion d’un salon au Palais des Congrès.
Les agents de liaisons externes font la promotion des manifestations et des sites patrimoniaux par la distribution d’affiches, de programmes, l’affichage sur les panneaux publics, la mise en place de signalétiques provisoires, l’approvisionnement des offices du tourisme et syndicats d’initiative en documentation touristique de la CDA.
L’aide ainsi apportée aux communes et aux associations, s’avère indispensable et parfaitement adaptée aux besoins et au rythme saisonnier de l’activité touristique et culturelle. En ces périodes, souvent surchargées, le renfort momentané en personnel, pour un tarif très abordable, joue le rôle d’une soupape de sécurité.
Le choix du secteur culturel est également, du point de vue du personnel, particulièrement attractif et valorisant. Les activités sont variées, les personnes diverses, les missions de courte durée permettent d’apprécier immédiatement le résultat, l’accès aux spectacles, aux expositions, constitue une richesse et un élément de formation personnelle. Un environnement positif pour des personnes souvent dévalorisées et en situation d’échec, parfois en rupture complète. L’association est en effet une étape qui leur permet de souffler et de reprendre pied avant de regagner le large.
Une étape salutaire
Les personnes qui travaillent sur ces chantiers bénéficient d’un Contrat Emploi Solidarité (C.E.S.) ou d’un Contrat Consolidé (C.E.C.). En 2005, 24 postes d’insertion ont été attribués. Les candidats doivent remplir certaines conditions réglementaires puis passer un entretien qui permet aux responsables de l’association de détecter un projet, un parcours, une réflexion professionnelle. De l’illettrisme à BAC + 5, le recrutement est varié, et, volontairement, le public est mixte, pour créer une synergie. Chaque équipe est dirigée par un encadrant technique d’insertion et l’association compte désormais, dans ses rangs, un accompagnateur professionnel. Car l’objectif de ces chantiers est, avant tout, de remettre la personne dans le sens de la route, de sa route. Reprendre les rythmes de travail, retrouver une image de soi positive en se rendant utile, découvrir et développer ses compétences personnelles, autant de pas en avant qui doivent être soutenus par une démarche personnelle. L’accompagnateur peut aider les nouveaux travailleurs à surmonter des difficultés personnelles (mobilité, logement, surendettement…), à mettre en place un projet professionnel, à chercher un emploi.
Pierre par pierre, on fait son chemin grâce aux chantiers d’insertion
Dans ce cadre, une formation individuelle à mi-temps peut être proposée (langues, conduite d’engins…), en plus de la formation spécifique dans le cadre du chantier. Plus largement, l’association souhaite, modestement, accompagner une reconstruction personnelle. Un module d’expression corporelle a été mis en place avec une compagnie théâtrale pour prendre confiance, saisir et maîtriser l’image de soi que l’on renvoie aux autres. Un travail a été effectué également sur la communication inter-personnel, nécessaire dans tous les métiers. Les agents affectés à l’animation de Royan station de sports d’hiver, en contact avec le public et particulièrement les enfants, ont suivi une préparation physique (se baisser, se relever, courir…), pédagogique (enlever et remettre les chaussures, calmer les ardeurs et sécher les larmes….) et d’animation (employer le vocabulaire des sports d’hiver).
C’est parti pour la descente ! Gérer les enfants, les luges, les parents… et son dos, ça s’apprend
Cette approche a été systématisée par la mise en place, en février 2005, d’un module d’accueil pour la nouvelle équipe technique, conçu comme une préparation à exécuter les missions futures. Le personnel prend connaissance du fonctionnement de l’association, des partenaires, du cadre et du rythme de travail, il se prépare physiquement par l’adoption d’une bonne hygiène de vie, suit une formation délivrée par le GRETA (formation pour adultes) sur les gestes et postures, développe l’esprit d’équipe, le repérage dans l’espace du Pays Royannais, apprend à utiliser le matériel (tribunes, podium…), est initié aux premiers gestes de secours. A l’issue du chantier, phase de réalisation active, un temps est consacré au bilan, à l’évaluation, sous forme d’un livret qui répertorie les compétences, les capacités, les connaissances, les acquisitions, les moyens de les utiliser et de les valoriser auprès d’un employeur.
Inquiétudes pour l'avenir
L’Association Initiative Emploi est directement concernée par le plan de cohésion sociale, initié en 2004 par le Ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, et mis en œuvre au début de l’année 2005. Cette loi donne notamment, par amendement, la définition des ateliers et chantiers d’insertion, déterminant ainsi le cahier des charges de l’association.
Le plan prévoit la disparition des CES (Contrats Emploi Solidarité) et des CEC (Contrats Emploi Consolidé) et propose deux nouveaux contrats utilisables par le secteur non marchand, le Contrat d’Avenir et le Contrat d’Accompagnement dans l’Emploi. Quelques inquiétudes se font jour quant à l’utilisation par l’association des ces deux contrats qui obéissent à des logiques différentes de pilotage, de fonctionnement et de financement. Financièrement notamment, les aides prévues, qui permettent de réduire la part de l’employeur dans la rémunération, s’avèrent en diminution au regard de celles versées jusqu’alors. Cette situation risque d’entraîner, pour l’association, un surcoût, d’autant plus élevé que la personne est jeune. Elle impose à l’employeur de chercher des financements supplémentaires et pourrait être dissuasive quant au recrutement des plus jeunes en chantier d’insertion. Or, selon François Charrier, les chantiers constituent une réponse adaptée pour des jeunes en rupture, incapables de s’adapter immédiatement à l’entreprise (les effectifs 2005 de l’association était composé d’un tiers de jeunes). De plus, le mélange des publics et des générations fait partie de la pédagogie des chantiers d’insertion et permet l’équilibre entre l’énergie parfois débordante des plus jeunes et l’expérience des anciens.
Un autre problème concerne la formation et l’accompagnement des salariés, une mission importante de l’employeur dont le financement reste à préciser.
Objectif insertion
Accueillis, aidés, recadrés, les travailleurs de l’association doivent, un jour ou l’autre, quitter la structure, ce que certains ont parfois du mal à envisager. « Une fois que le contrat s’arrête, il faut que les personnes s’autorisent à faire autre chose, précise François Charrier, l’ensemble de l’équipe se mobilise autour de cet impératif, en mettant par exemple en valeur ceux qui ont un projet pour créer une dynamique à l’intérieur du groupe ». Les résultats du travail effectué s’apprécient donc, en partie, sur les conditions de sortie de l’association et sont encourageants. En 2004, environ 65 % des personnes avaient un placement à la sortie, formations qualifiantes ou emplois. Pour les autres, certains étaient en attente, mais pas nécessairement arrêtés au bord du chemin. Enfin il y a eu quelques échecs.
Accompagnés vers la sortie pour vivre leur vie, les personnels restent soutenus, dans leur démarche d’insertion, par différentes initiatives de l’association. Dès la fin 1998, celle-ci a créé une activité complémentaire d’aide à la mobilité. Trouver un emploi ou une formation, c’est un pas décisif. Encore faut-il avoir les moyens de s’y rendre. L’exigence de mobilité, que l’on décline aujourd’hui sur tous les tons, et l’éloignement des logements accessibles rendent le parcours vers l’insertion plus périlleux encore pour les personnes en difficulté. L’association trace un trait d’union entre logement et boulot et propose un service de location de cyclomoteurs pour se rendre sur le lieu de formation ou de travail. Le matériel est neuf (pas question d’arriver tous les jours en retard, les mains pleines de cambouis) et le prix tout petit (42 euros par mois avec assurance et entretien régulier), moyennant une responsabilisation du locataire qui s’engage à respecter le véhicule, les visites de contrôle et les échéances de règlement. La location ne peut excéder trois mois mais un accompagnement peut être cherché, ensuite, pour financer l’achat d’un véhicule personnel.
«Le service est utile et utilisé, se félicite François Charrier, et il n’y a pas plus de 10 à 20 pour cent de problèmes».
Les rois de la MOB, en contre-plongée
L’association prend soin du Pays Royannais, grandeur nature (aménagement des sentiers de randonnées) et virtuelle (création d’une photothèque)
Autre piste suivie par l’association, la pépinière d’emplois durables. Pour répondre à des besoins spécifiques de la CDA, des emplois avaient été créés, préfigurant la mise en place d’un service technique intercommunal. L’objectif qui était de professionnaliser les personnes sur ces activités pour les maintenir en poste, est atteint. La pépinière a livré de jeunes arbres. En 2005, 6 personnes exercent dans 5 domaines : entretien et maintenance des poteaux d’incendie, livraison et réparation des conteneurs ménagers, aménagement, balisage et entretien des sentiers de randonnée, accueil touristique et mise en valeur du patrimoine à Mornac, photothèque numérisée.
Marie-Anne Roy
Photos Didier Mauléon