Prouvé, Jean
Je pense que ça a été la grande chance de ma vie, une chance oui, de devenir très vite un ouvrier et un ouvrier du bâtiment.
Paris, 8.04.01 - Nancy, 23.03.1984
Fils du peintre Victor Prouvé, également sculpteur, graveur, photographe et filleul d'Émile Gallé, tous deux fondateurs de l'École de Nancy, Jean Prouvé, contraint par la maladie, arrête ses études en 1917 et devient apprenti forgeron.
Renaud Alberny a écrit que tout était parti de cette enfance passée auprès des artistes, industriels, artisans et de cet apprentissage : « son goût pour les activités manuelles, sa haute idée du métier d'ouvrier, son ouverture à l'art, sa sensibilité au progrès, sa passion pour la création.» Jean Prouvé apprend auprès de ses maîtres un métier qui le passionne et créé son propre atelier en 1924.
Au début des années 30, l'atelier compte une cinquantaine de compagnons, forgerons, serruriers, ferronniers d'art, ses réalisations commencent à être remarquées et Jean Prouvé collabore avec de grands noms de l'architecture comme Le Corbusier.
Attiré par la construction, curieux du progrès et des techniques nouvelles, il se tourne vers les nouveaux matériaux comme l'aluminium et s'équipe de machines perfectionnées. La production de l'atelier devient industrielle, portes, cloisons amovibles, cabines d'ascenseurs, meubles métalliques. Dans le même temps, Jean Prouvé met au point une idée, le mur-rideau.
« J'ai imaginé ... une nouvelle façon de faire l'architecture, une nouvelle façon de mettre en oeuvre des matériaux. Alors qu'on ne construisait que des immeubles dont les murs étaient porteurs, j'ai imaginé des immeubles structurés différemment. Ils comportaient une structure en métal ou en béton, comme un être humain comporte un squelette, auquel il fallait ajouter le complément logique d'un squelette : l'enveloppe. L'idée était donc de l'envelopper d'une façade légère. [... . Comme nous l'accrochions aux dalles de plancher, nous avons assimilé ça à un rideau et nous l'avons appelé « mur-rideau. »
A la Libération, Jean Prouvé relance ses ateliers et se consacre à la reconstruction qui doit être rapide. Il conçoit, à la demande du Ministère, la réalisation de maisons préfabriquées en métal.
Jean Prouvé quitte ses ateliers en 1952, opposé aux méthodes du groupe majoritaire dans son entreprise. Il collabore, dans différents bureaux d'études, à de nombreuses réalisations (le mur-rideau du siège du PCF, place du Colonel-Fabien à Paris, les parapluies du Forum des Halles, la structure métallique de Bercy) et devient professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers, distingué en étant désigné pour présider le jury du concours Beaubourg, assumant le choix architectural du futur centre Georges Pompidou.
« M. Jean Prouvé représente d'une manière singulièrement éloquente le type de "constructeur" -échelon social- qui n'est pas encore accepté par la loi mais qui est réclamé par l'époque que nous vivons. Je veux dire par là que Jean Prouvé est indissolublement architecte et ingénieur. A vrai dire, architecte et constructeur, car tout ce qu'il touche et conçoit prend immédiatement une élégante forme plastique tout en réalisant brillamment les solutions de résistance et de mise en fabrication. » Le Corbusier (1955)
Jean Prouvé à Royan
Pour répondre à une commande du Ministère de la Reconstruction, l'ingénieur avait conçu en 1945 des maisons en métal préfabriquées destinées au logement des sinistrés. Ces modèles étaient baptisés suivant leurs dimensions : 8 sur 8, 8 sur 12 ou 5 sur 10. A la suite d'une polémique entre le Ministère et les ateliers Prouvé, seules 14 de ces maisons ont été implantées à la lisière de la forêt de Meudon.
Un exemplaire de type 8 sur 12 a été installé à Royan en bordure de la conche de Foncillon. Cette maison, qui servit d'agence à l'architecte Marc Quentin, fut une des deux réalisations de Jean Prouvé à Royan. Il a également participé à l'édification du Casino de la Grande Côte en 1951. Le bâtiment comportait une salle de danse et un bar-restaurant, prolongés par une terrasse donnant sur la mer. « Le plan de forme circulaire est délimité par des segments de murs droits ou courbes en moellons des Charentes et des panneaux préfabriqués en aluminium laqué rouge conçus par Jean Prouvé.»
On décèle aussi l'influence, si ce n'est la signature de Jean Prouvé, dans les façades du Front de mer et du Palais des Congrès habillées de panneaux en métal ajouré et laqué, résultat d'une coïncidence entre les recherches de l'ingénieur nancéen et les projets des architectes de Royan : « Une certaine idée de la façade composite, assemblage de panneaux d'aluminium, de verre, de bois....la quête d'une architecture dématérialisée, légère ».
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