Frédéric Voisin
... c'est la première fois dans l'histoire de l'ART, que nous créateurs, avons la possibilité de travailler avec une machine intelligente...
Ma rencontre avec Macintosh a commencé comme un conte de fées. Un jour, un ami me téléphone et me dit: "Tiens, toi qui es illustrateur, viens voir notre ordinateur. Tu sais, avec lui, il est possible de dessiner." Si je n'ai pas refusé l'invitation, bien que je ne connaisse rien à l'informatique, c'était surtout par curiosité. Quel était donc cet ordinateur dont on me vantait les vertus graphiques....?
Arrivé devant la Chose, je me suis aperçu qu'on dessinait avec un petit boîtier en plastique relié à la Chose par un fil qui lui donnait vie à l'écran (comme quoi la vie ne tient qu'à un fil !).
Il est temps de sortir la Chose de l'anonymat: c'était un Lisa. Mon premier dessin n'était qu'une somme d'erreurs enterrées sous mes reconstructions. Le résultat gris, noir et blanc en format A4, ne m'a pas du tout limité. J'ai exploité cette contrainte pour exprimer un art nouveau en agrandissant le dessin et en y apportant une vie colorée. Ma première réaction fut donc de transformer le dessin en peinture plutôt que de le considérer comme une illustration, disposition naturelle chez moi puisque je suis illustrateur de profession, tourné plus vers l'industrie que vers l'Art en galerie. Lisa était un peu pour moi, l'archange annonciateur de la venue de Macintosh et du programme MacPaint. Je pense que c'est la première fois dans l'histoire de l'ART, c'est-à-dire de la peinture, du croquis, de l'illustration, depuis les dessins dans les grottes, que nous créateurs, avons la possibilité de travailler avec une machine intelligente. Les possibilités de modelage presque illimitées des trames de MacPaint nous conduisent dans l'infini. J'ai le sentiment de travailler avec des extra-terrestres. Les outils de MacPaint, bombe à peinture, traits discontinus, points, etc, et la haute résolution de l'écran s'accommodent de tous les styles d'expression : lisses, heurtés ...
Macintosh est pour moi l'outil de fusion de l'illustration avec la peinture, le partenaire de recherche qui me remet en question, qui tire de moi l'essence de mon être et de mon Art, comme l'a été avant lui le papier découpé. Il est suffisamment ouvert et ouvrant.
Ma peinture sur Macintosh est une somme de destructions d'où se dégage une construction, une recréation. Quand ensuite, je peins sur le dessin issu de MacPaint, les couleurs s'allient avec ses trames qu'elles gomment ou accentuent. Beaucoup rejettent par âge ou par accoutumance à une technique alimentaire l'apport de la technologie à notre Art. Les précurseurs travaillent souvent en solitaire. La voie que j'ai suivie n'est ni la plus facile, ni la plus nourricière (loin s'en faut), mais elle est tout aussi expressive, tout aussi valorisante et tout aussi créative pour l'artiste. La peinture appartient aux gens qui la font, aux gens qui l'aiment mais pas aux gens qui la vendent.