Daniel Garric
... Certains s'habillent chez Chanel, d'autres chez Lanvin, mon style, c'est Apple...
« Pour quelqu'un qui n'est pas intéressé par l'informatique, qui ne veut pas faire de l'informatique, le seul ordinateur qui convienne, c'est Macintosh. Je lisais récemment un article anglais qui expliquait que former un cadre à l'utilisation de l'ordinateur revenait beaucoup plus cher que l'achat d'un micro. Avec Macintosh, cette époque est révolue. Il suffit de quelques heures à quelqu'un qui n'a jamais utilisé un ordinateur personnel pour apprendre à s'en servir. Moi-même, il ne m'a fallu que vingt minutes. Car l'utilisateur n'a pas à se poser de questions, à se souvenir des touches de fonction qui changent avec chaque programme. Tout est dans la souris qui ne réclame que 10 centimètres carrés pour être manipulée. Il est toutefois recommandé de la nettoyer une fois par mois. Toutes les touches de contrôle ont disparu du clavier sauf une. Ce sont les mains qui réalisent la gestion de l'appareil. On sait définitivement se servir de la machine une bonne fois pour toutes. C'est cela la révolution de l'informatique. Le contraire de toutes les autres machines qu'il faut utiliser continuellement. Sinon on oublie. Cela fait six mois que je n'ai pas utilisé Multiplan sur mon Apple II, je ne sais plus préparer une feuille alors que c'est un des cinq programmes que j'emploie régulièrement!
Personnellement, j'utilise Macintosh pour mon travail. Comme journaliste, c'est tout à fait ce qui me convient. Macintosh qui occupe moins de place qu'un Minitel, est le seul micro à me donner à l'écran la feuille de papier telle qu'elle sera à la sortie de l'imprimante. Je peux réaliser des effets de caractères, choisir les mises en page que je désire. Car avec Macintosh, je me crée mon propre style. Mieux, je peux réaliser un vieux rêve : concevoir un journal à moi tout seul. Ou devenir éditeur. Car on peut sortir son travail sur une imprimante ImageWriter et l'envoyer directement à la photocomposition. C'est très pratique par exemple pour éditer des rapports d'entreprise.
Du point de vue du soft, je ne connais pas de logiciel qui soit plus fabuleux que MacPaint. Il faut de plus signaler que tout comme MacDraw, il n'existe sur aucun autre ordinateur personnel. Mieux, je peux passer de MacPaint à MacDraw sans difficulté. Quand je suis en train d'écrire un article avec MacWrite et que j'ai besoin de téléphoner pour obtenir une précision, il me suffit d'aller chercher un numéro de téléphone dans ThinkTank. Quel autre ordinateur de la même catégorie me rend ce service? Et ce ne sont pas les seuls logiciels dignes de ce nom. Existe-t-il une version de Multiplan plus puissante que celle proposée par Macintosh? Je pourrais également citer Filevision, une base de données graphique, le traitement de texte Word, la gestion de fichiers et de graphiques avec CX MacBase. Sans parler des dizaines de programmes qui sont d'ores et déjà disponibles. Ainsi que du Pascal interprété et d'autres langages. Il est vrai que je ne dispose pas encore de programmes intégrés comme Lotus 1-2-3. Mais patience, ils seront là dans quelques mois. Tous les gens qui développent du soft vont en effet se retourner vers Apple puisque IBM développe maintenant ses propres programmes.
Certes Macintosh n'est pas un micro pour les informaticiens. Bien que. Un ami de 20 ans qui développe sur Lisa et fin connaisseur de l'Assembleur sur Apple II, est enthousiasmé par le 68000, le microprocesseur du Macintosh. Il ne jure plus que par lui. Enfin, n'oublions pas que Macintosh peut communiquer avec d'autres ordinateurs.
C'est un autre atout.
Bien sûr une version 512 K serait plus confortable pour travailler, car je disposerais de 85 pages en mémoire mais si je ne savais pas qu'elle existe, ma version 128 K avec 8 pages en mémoire me satisferait pleinement.
Honnêtement, si je devais acheter un micro-ordinateur, je n'hésiterais qu'entre 4 ou 5 constructeurs car personne ne peut m'assurer que les autres existeront encore dans six mois : Hewlett-Packard, Olivetti, Act dont les produits sont les plus proches du Macintosh, Apple. Et bien sûr IBM. Mais qu'on ne me parle pas de concurrence entre IBM et Apple. Elle n'existe pas car leurs machines ne s'adressent pas aux mêmes utilisateurs. Macintosh s'adresse en priorité aux professions libérales, à des gens qui travaillent seuls. Il n'existe qu'une mince frange de recouvrement qui varie entre 10 et 20 % avec la « cible » IBM. Car l'informatique, c'est comme la couture.
Certains s'habillent chez Chanel, d'autres chez Lanvin. Pour moi, Apple, c'est un style. Ses ordinateurs ne sont pas des produits savonnettes, des produits marketing mais des produits conçus par des personnes pour d'autres personnes.
Le design a également une grande importance. C'est autre chose de travailler devant cette jolie machine plutôt que face à certains monstres que je n'oserais pas avoir sur mon bureau. S'il existait des compatibles Macintosh sans ses qualités esthétiques et sans ses fonctionnalités, ils seraient condamnés à l'échec. Sur le plan purement consumériste, Apple a de plus un avantage sur tous les autres constructeurs : je sais tout de suite ce que j'achète. La version de base comprend tout. Ailleurs, je dois rajouter un moniteur, un lecteur de disquettes, et même de la mémoire. »
Steven Jobs, co-fondateur de la société Apple, et le fils de Daniel Garric.