La pêche à pied
Carrelet : sorte de filet en forme de nappe carrée et à mailles rectangulaires, monté sur deux cerceaux croisés, suspendu au bout d’une perche. On l’appelle aussi ableret, carré, carreau, et échiquier (Larousse).
Le mot carrelet semble apparaître dans la langue française vers 1360 (avec l’orthographe « quarlet »), et figure dans la première édition du dictionnaire de l’Académie en 1694. On dit souvent que la balance serait l’ancêtre du carrelet.
Les falaises de Meschers il y a plus de cent ans.
Des installations rudimentaires s’abritent dans les “ trous ”.
Avec calme et sérénité au bord d’une rivière,
avec effort sur les plataines de Talmont,
les pécheurs relèvent leurs filets.
En fait, tous deux ont pour origine commune une sorte de tamis que l’on manipulait avec les deux mains, engin de pêche encore utilisé dans les rizières d’extrême Orient. Le carrelet a sans doute fort peu évolué pendant des siècles. En 1760, Duhamel Du Monceau, dans le Traité général des Pêches et des Poissons qu’elles fournissent nous donne la description du carrelet et nous renseigne sur son utilisation. Le filet qui sert pour cette pêche est une nappe simple et carrée, laquelle a 6, 7 ou 8 pieds de côté. Elle est toujours bordée d’une corde. On fait ordinairement les mailles du milieu plus serrées que celles des bords, pour prendre des ablettes, ainsi que de la menuise qui sert à amorcer les hains… On forme à chaque coin de la nappe, avec la corde qui la borde, un œillet pour recevoir le bout des perches courbes qui supportent le filet. On lie les perches courbes qui supportent le filet à l’endroit où elles se croisent et la même corde sert aussi à attacher le carrelet à l’extrémité d’une autre perche, plus ou moins longue, suivant la profondeur de l’eau et la distance qu’il y a entre le bord de l’eau et l’endroit où l’on se propose de tendre le filet.
On fait ordinairement cette pêche dans les endroits où la nappe d’eau est de peu d’épaisseur, que ce soit au bord de la mer ou en étang et en rivières. Il est en général plus avantageux de pratiquer cette pêche quand l’eau est trouble, mais, les pêcheurs ne pouvant alors pas toujours apercevoir les poissons dans le filet, sont contraints de relever le carrelet de temps en temps pour récupérer les éventuelles prises. Aujourd’hui, matériel et technique de la pêche à pied au carrelet sont restés à peu près identiques. Le système de suspension, avec câble et poulie, s’est amélioré, ainsi que l’assemblage des cerceaux de support du filet, qui peut se faire par une « tête de mort » (bloc de bois cubique percé de trous).
Vers la fin du XIXe siècle, on commença à voir ces carrelets se fixer sur certains points de la côte sur des bâtons en croix ou des fourches-supports. Le matériel devenant fixe, on y ajoute un treuil rudimentaire pour en faciliter le relevage. Les touristes (que l’on appelle alors les baigneurs) découvrent la pêche au carrelet. Très vite, ces amateurs ont voulu s’affranchir de la corvée consistant au transport et à l’installation d’un matériel qui ne pouvait être que rudimentaire. Au lieu de se déplacer pour chercher le poisson là où il est, les nouveaux pêcheurs ont choisi de s’installer à poste fixe, pour pratiquer leur loisir préféré avec le maximum de confort.
Le matériel s’est alors amélioré : mât métallique remplaçant le mât en bois, poulie, treuil de plus en plus perfectionné. Mais ce confort à un inconvénient : la pêche est devenue tributaire du hasard qui fait passer le poisson au moment où vous relevez le filet. On tourne le treuil, le filet remonte, il est vide ou plein. « Je ne connais rien de plus captivant, écrit Henri Clouzot (Les Plages d’Or), que la manœuvre du carrelet. C’est la surprise, l’imprévu, la lutte contre le hasard, dans ce qu’elle a de plus passionnant ». Le plaisir de la pêche prime sur le plaisir de la prise. Néanmoins, ces transformations ne firent pas disparaître la pêche à pied et l’on peut toujours voir, dans la baie de Talmont ou à la pointe de Deau, de courageux pêcheurs, dans l’eau jusqu’à mi-corps, relever leurs carrelets portatifs.