Les cabanes ostréicoles
Article publié le 12 août 2014
par Marie-Anne Bouchet-Roy
La grève de La Tremblade
Il n'y a pas si longtemps, elles bruissaient des mille rumeurs du travail des ostréiculteurs de la Seudre. Aujourd'hui, les cabanes traditionnelles ne sont plus « en activité », délaissées pour des bâtiments plus vastes, plus solides et plus conformes aux normes modernes. Pourtant, serrées les unes contre les autres le long des grèves ou essaimées de loin en loin sur les taillées alentour, les cabanes de bois peint continuent d'évoquer, aux yeux des promeneurs, le monde ostréicole.
Les cabanes se sont édifiées en même temps que se sont développés l'élevage et le commerce des huîtres aux 16e et 17e siècles. Poussés par la nécessité, les sauniers et les pêcheurs ramassent les coquillages sur les bancs naturels d'huîtres plates en Seudre. Ils vendent les plus grosses et mettent les autres à grossir dans des trous appelés « gardours », creusés dans les terres des marais. Ces bassins seront progressivement aménagés et deviendront des claires, mot évoquant la limpidité de l'eau. Les huîtres terminant leur croissance en claires ont un goût plus fin.
Il faut croire qu'un des huîtriers, soucieux d'organisation, choisit un jour un endroit qui lui convenait, pour édifier un petit abri. Rien d'extraordinaire : une cabane en chaume, puis en planches, couverte de joncs ou de roseaux pour protéger outils et travailleur de la pluie et du soleil. La première « loge » était née, un nom tout trouvé pour une remise servant à loger son matériel. Le travail d'élevage et de nettoyage des huîtres se fait toujours en plein air, directement dans les gardours et sur les taillées.
Avec le développement du commerce, la cabane s'étoffe progressivement. Elle s'agrandit et se rehausse, se couvre de tuiles. Il faut désormais un emplacement pour trier et emballer les huîtres, un grenier pour stocker les paniers et abriter la fougère servant à l'emballage avant l'expédition. Une cheminée ou un gros poêle en fonte apporte un peu de chaleur mais il est relégué à l'écart pour ne pas gâter les huîtres. Dans le courant du 19e siècle, la situation s'officialise. On délivre désormais des autorisations de construire des cabanes en pierre, de 4m50 sur 5 m, moyennant une redevance à l'État. Des marchands d'huîtres installent d'importants établissements.
Si certaines cabanes sont en pierre, beaucoup sont encore en bois, un matériau moins cher. Les plus anciennes sont enduites de coaltar (goudron de houille), les autres peintes de couleur pastel. L'histoire veut que les propriétaires, qui devaient caréner leur bateau 2 ou 3 fois par an, utilisaient le reste de peinture pour leur cabane.
Sur les bords de Seudre, les cabanes se suivent mais ne se ressemblent pas forcément. Sur les grèves les plus importantes, au plus près des lieux d'expédition, s'installent les expéditeurs importants, les cabanes sont vastes, en pierres, elles ont en quelque sorte « pignons sur grève ». Sur les chenaux et le long des petits ports, où la concession est moins chère, elles sont plus modestes, souvent en bois. Étroites et surélevées par un grenier servant à stocker le matériel d'expédition. On en voit beaucoup sur pilotis, car les huîtres étaient conservées dans l'eau, sous la cabane. Elles étaient remontées par des trous du plancher. Un système qui permettait d'économiser l'eau et d'assurer la ventilation des lieux.
Femmes de cabanes
Les femmes jouent un rôle important dans le développement de l'ostréiculture. Elles secondent leurs maris, souvent marins pêcheurs et les remplacent lorsqu'ils partent à la pêche. On les appelle « les femmes de cabanes », « les femmes au marais » pour celles qui travaillent sur les taillées ou encore « les femmes de la côte » lorsque l'élevage se fait directement sur les parcs à l'embouchure de la Seudre. Au 19e siècle, elles se font « écaillères », pour aller vendre leur production à Bordeaux et dans d'autres villes du sud de la France. Leurs emplacements, nommés « les portes », sont souvent situés sous une porte cochère, à l'entrée d'un restaurant.
Dis-moi le nom de ta cabane, je te dirai qui tu es
Chaque cabane est désignée par un surnom, le plus souvent en rapport étroit avec son propriétaire : Caoutchouc, Bon appétit, Mouton à Gégène, Feu feu au tacot, Peut de chouse, Taureau, Ramiseau à Rara, la Belle Madame, Pyjama, Piat de bique. Trois établissements se côtoient sur la grève de la Tremblade : La Simplicité, la Modestie et l'Orgueilleuse et un « émigré d'Arcachon » baptise sa cabane Lou Barbot.