Jérôme Pillement, Chef d'orchestre du Violon sur le Sable
Juillet 2004
Depuis 17 ans, la 3ème semaine de juillet est une de mes semaines les plus excitantes de l'année. Pour un musicien classique, se produire devant 3 fois 30000 personnes en une semaine est un challenge unique. Cette semaine est l'aboutissement de 53 semaines de réflexion : qu'allons nous jouer au Violon sur le sable l'année prochaine ? Qui allons nous inviter ? Et surtout, que raconter au public pour présenter les oeuvres, les compositeurs et les artistes invités ?
Alors plusieurs fois par an Philippe nous réunit, Pat, Christophe, Steve et moi.
Question : comment ne pas décevoir toutes ces familles, tous ces amis qui viennent nous retrouver chaque année sur la plage de la grande Conche ?
Aujourd'hui nous avons déjà interprété de belles pages du répertoire «classique», les grands titres de l'histoire de la musique de film. Notre unique souci est finalement de rechercher de nouvelles oeuvres et de nouveaux talents qui vous séduiront cette année.
Et puis arrive cette 3ème semaine de juillet où finalement on se retrouve tous les ans comme le matin de ce jour de juin de notre adolescence où l'on se lève pour aller passer le bac philo, puis les jours suivants les autres matières. Ces matins où l'on se lève et où l'on a l'impression de ne rien savoir, de n'avoir rien compris, d'avoir tout oublié et d'être idiot. Ces matins où l'on ressent de grands moments de solitude.
Bien sûr il y a les répétitions qui devraient nous rassurer. Mais finalement c'est aussi pendant ces heures beaucoup trop courtes que l'on s'aperçoit que telle pièce est trop longue ou trop courte, que l'avion de la soprano s'est posé avec 2 heures en retard et qu'elle ne pourra pas répéter, que cette pièce rare de Chostakovitch que nous avions choisi de vous faire entendre est si difficile pour les violons, que les danseuses de samba ont besoin de davantage de place sur scène, que Yann notre «ingé son» aura du larsen si les sax s'assoient à côté des trompettes, que David, notre artificier fou, souhaiterait un point d'orgue plus long pour pouvoir faire exploser son bouquet final, que cette petite anecdote sur Haydn que je voulais vous raconter est trop ringarde.
Alors je voudrais me confier à Philippe, Pat, Christophe ou Steve mais eux aussi ont leurs tonnes de problèmes à résoudre pour dans 5 minutes. Pourtant nous avions cru penser à tout pendant ces 53 dernières semaines.
Et puis je prends mon micro, ma baguette et ce qu'il me reste de courage. Je monte les marches du podium, j'entends l'orchestre jouer le jingle d'intro, je m'avance le pouce gauche crispé sur le «on» du micro, la main droite serrant ma baguette, je vous regarde quelques secondes nous applaudir, impatients, assis sur la plage, puis la «poursuite» m'aveugle et je m'entends vous dire : «Bonsoir» !
Toutes les informations sur le site : www.violonsurlesable.com