Maison Tanaud
Hors Parcours
V éritable rue témoin du Royan de l'avant-guerre, l'avenue des Tilleuls recèle une série de façades du xixe siècle que l'on croise le plus souvent sans même les regarder, tant elles peuvent être masquées par les feuillages des deux rangées d'arbres qui la bordent. Pourtant, elles représentent, à l'échelle d'une simple rue, un clin d'œil remarquable au centre-ville qu'a fait disparaître le déluge des bombes, en 1945. Même si nombre de ces façades ne déméritent pas, si la postérité ne devait en retenir qu'une, ce serait à coup sûr celle de la maison Tanaud, qui porte les signatures de l'architecte Raoul Bouron (voir p.370) et de l'entrepreneur Léon Chalifour.
Établie, comme la plupart de ses voisines, sur une parcelle en lanière de faibles dimensions, elle développe une rare façade de ville colorée de briques rouges, qui offre une curieuse synthèse entre la filiation urbaine et la fantaisie balnéaire. Ici, la tradition est symbolisée par une répartition encore très conventionnelle des baies. A contrario, un décor sculpté frondeur se plaît à réinventer un sens de la hiérarchie architecturale, mis en exergue par la superposition des pierres taillées du soubassement, des briques, puis des éléments enduits dans les parties hautes. Jouant avec d'improbables références, l'éclectisme du décor sculpté suggère une certaine candeur chez son auteur. Et ce n'est pas le carcan d'un maillage de pierres de taille paraissant plus symbolique que structurant qui peut en apporter le démenti, laissant ainsi supposer que la liberté de ton dont use l'obscur architecte de province Raoul Bouron serait loin d'être totalement maîtrisée. Vrai ou faux, qu'importe, car l'homme a su faire de la maison Tanaud une vraie figure architecturale.
Et à une telle figure architecturale ne pouvait correspondre qu'une personnalité haute en couleurs. De fait, la maison Tanaud devint, après la seconde guerre mondiale, la demeure de Jean Papeau (1912-2003), instituteur, journaliste engagé, membre du parti communiste français, grand résistant arrêté les armes à la main, déporté en Allemagne après avoir été condamné à mort, qui accepta, la Libération venue, de se mettre au service de ses concitoyens avec une fougue inébranlable. Homme de conviction, chaleureux et cultivé, Jean Papeau forçait le respect, à tel point que les Royannais le portèrent sans l'ombre d'un doute à l'assemblée municipale, avant de le consacrer en 1969 conseiller général, en dépit de sa couleur politique, ce qui aurait fait dire à ses adversaires du moment, au soir d'une joute électorale dont seule la ville a le secret, « chapeau Papeau ! ».
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