Immeuble Chaussat
Hors Parcours
- ZPPAUP
P aradoxalement, c'est au cœur des îlots urbains de la Reconstruction, entre deux réalisations emblématiques des années 1950 - l'ancienne gare des cars et la place du docteur Gantier - qu'il faut aller débusquer l'un des plus beaux immeubles urbains rescapés des bombardements de 1945. Pour comprendre l'enjeu que présentait un tel édifice, il faut imaginer la physionomie de l'ancienne rue de la République, devenue après 1945 le cours de l'Europe. Il s'agissait d'un axe d'entrée de ville étroit et sinueux, bordé de maisons plutôt modestes, alignées sur rue. C'est dans ce contexte particulier qu'apparut, probablement vers 1920, un nouvel immeuble qui tire sa monumentalité des effets conjugués de ses proportions opulentes, de la qualité de ses décors et de sa situation privilégiée sur une parcelle d'angle.
Une pierre gravée révèle le nom de l'architecte, René Chaussat, et celui de l'entrepreneur, Henry Boulan (voir p.368). Si l'œuvre de ce dernier est assez bien connue, il n'en est pas de même de la production de l'auteur des plans. Né en 1873 à Thairé, un village situé entre Rochefort et La Rochelle, René Chaussat fit principalement carrière dans la région parisienne, notamment à Cachan, où il fut architecte de la ville. Malgré les difficultés que pouvait engendrer cet éloignement, il fonda, quelques années avant la première guerre mondiale, un cabinet secondaire à Rochefort, et construisit en Charente-Maritime jusqu'à la fin des années 1920. Ce que l'on connaît de son œuvre dans le département montre qu'il fut un praticien doué d'un certain talent, maîtrisant une grammaire architecturale et un vocabulaire ornemental assez variés. L'immeuble qu'il a bâti cours de l'Europe en est une excellente preuve.
Tirant sa légitimité d'une imposante toiture à combles brisés couverts d'ardoises, ainsi que d'un arrière-corps en pierre de taille mis en valeur par un fronton sculpté, l'immeuble de René Chaussat revendique par ailleurs quelques élans de modernité. La preuve la plus évidente se lit dans les parties hautes, où se mélangent, dans une savante composition, plaques de grès et briques traditionnelles ou vernissées de différentes couleurs. De prime abord plus conventionnel, le fronton sculpté se laisse, lui aussi, envahir par la modernité en accueillant, sous le prolongement d'une corniche à denticules, quelques motifs floraux tout en rondeurs, inspirés des grâces de l'Art nouveau. Leurs courbes et contre-courbes viennent se fondre dans une composition générale que reprenaient des huisseries aujourd'hui disparues, pour faire place à une autre modernité, dont les derniers avatars sont l'enduit blanc des façades ou les immenses velux placés sur le brisis* des combles en 2012, afin d'augmenter les surfaces habitables.
Détails
Cliquer sur une image pour l'agrandir
Retour