Citizen Couzinet
Françoise Mamolar, Juin 2008
Ce n'est pas le plus grand cinéaste de son temps et l'on hésite à parler de réelle «vocation» en ce qui le concerne. Pour les hommes de sa trempe, il y a toujours des circonstances qui déterminent une trajectoire. Sa destinée débute par une coïncidence, celle d'être né pratiquement en même temps que le cinématographe. De cette invention nouvelle qui n'a cessé, depuis son origine à la fin du XIXe siècle, d'osciller entre art et industrie, il fait le centre de son existence... et une source de grandes opportunités.
Emile Couzinet s'est fait connaître comme le roi du nanar ringard et franchouillard mais il est surtout un précurseur de l'industrialisation du cinéma. Avec une ambition de taille : maîtriser l'ensemble de la filière cinématographique pour ne dépendre de personne.
Projectionniste ambulant avant que la Première guerre mondiale n'éclate, il fonde une société de distribution de films et crée un circuit de salles de cinéma de Saintes à La Rochelle, de Toulouse à Agen, ainsi qu'à Bordeaux où il fait notamment construire le Rex, directement inspiré du célèbre cinéma parisien.
S'il se fixe à Royan au début des années 30, c'est pour devenir directeur et actionnaire majoritaire du Casino municipal dont il transforme les entrepôts en studios de cinéma. Ce seront les premiers de la Côte Atlantique. Lorsque Royan n'est plus que ruine après les bombardements de janvier 45, Emile Couzinet relance son activité cinématographique à Bordeaux. Ses nouveaux studios de tournage sont équipés du matériel le plus moderne. On parle de «Hollywood sur Gironde». Il en devient le nabab. Riche et célèbre dans tout le Sud-Ouest.
L'homme est colérique mais fidèle en amitié. Il sait s'entourer de bons techniciens et d'acteurs issus du théâtre. Il crée sa «troupe». Ses tournages sont comme des réunions de famille. Robert Lamoureux et Jean Carmet ont fait leurs premiers pas cinématographiques devant ses caméras. Ils ne l'ont jamais oublié.
Producteur, réalisateur et scénariste, il est l'inventeur de la formule «On y rit, on ira !». Son nom et ses films sont restés synonymes de divertissement populaire jusqu'à ce que la Nouvelle Vague ne le balaie sur son passage à la fin des années 50.
De la trempe des grands entrepreneurs de spectacles, Citizen Couzinet fut un personnage romanesque et sa vie est digne d'un bon scénario de film.
En savoir plus : "Citizen Couzinet" aux Éditions Bonne Anse