Yves Delmas
La presqu'île d'Arvert
La Presqu’île d’Arvert constitue la bordure Nord de l’embouchure de la Gironde... Elle est formée d’un plateau de roches calcaires du Crétacé. Ce calcaire s’est déposé, il y a 140 à 150 millions d’années. La formation du sol de la Presqu’île est contemporaine des dinosaures.
A l’ère Tertiaire, il y a 60 à 65 millions d’années, la surrection des Pyrénées et des Alpes a froissé ces couches calcaires. Ainsi se sont créés des fosses ou synclinaux. Dans l’une de ces fosses, se sont engouffrées, d’abord la Dordogne, puis, plus tard, la Garonne, pour donner naissance à l’estuaire de la Gironde.
En même temps, de petits froissements ont transformé en tôle ondulée la rive Nord de l’estuaire, surtout en aval de Mortagne. D’où, cette alternance de baies (conches) et de falaises caractéristiques du rivage Nord de la Gironde.
Le Quaternaire débute, il y a un peu plus de deux millions d’années. Il est caractérisé par une succession d’ères glaciaires. La dernière, celle de Wurm, la plus terrible, vit le niveau des mers baisser de plus de 110 m. au-dessous du niveau actuel. Le littoral se trouvait à plusieurs dizaines de kilomètres au large. Toutes les îles, Oléron, Ré, Aix, étaient rattachées au continent. L’estuaire avait l’aspect d’un canyon. Pendant cette période, en avant de la côte, s’accumulent d’importants dépôts de sable.
A partir de 6000 Av.J.C., avec la lente remontée des eaux due au réchauffement, les courants marins, la dérive littorale, les vents, vont déposer ce sable en immenses amas, dans les Landes, à la Coubre par exemple.
Le sable le plus fin va tapisser le fond des conches, isolant souvent des marais, Belmont, Pousseau, Pontaillac. Ce sable si fin, de l’ordre de 180 microns, est à l’origine du succès des plages de la Presqu’île lorsque naîtra, au début du XIXe siècle, la mode des bains de mer.
Mortagne-sur-Gironde
A Mortagne, jusqu’au deuxième siècle de notre ère, la mer baignait le pied des falaises. Mais, lentement, de grandes surfaces ont émergé grâce à la végétation qui a fixé les alluvions. Des polders se sont développés repoussant la mer loin des falaises.
Saint-Seurin-d’Uzet
Vers Saint-Seurin-d'Uzet, les falaises dominent de nouveau la mer d'une trentaine de mètres.
Accrochés à flanc de falaise : des carrelets.
Dimanche 27 novembre 1977, 14h30.
Marée de 80, marée basse 11h41, marée haute 17h22.
Talmont-sur-Gironde
Le site de Talmont est l’un des plus beaux de la côte saintongeaise.
Au début de notre ère, c’était encore un petit îlot rocheux. Par suite du comblement de la dépression, dès le Moyen Âge, l’îlot est rattaché au continent par une langue de terre.
On voit très bien, sur la photo aérienne, la langue de terre, à droite, qui transforme Talmont en une presqu’île.
C’est en 1285, que le roi d’Angleterre, Edouard 1er, reconstruit le bourg selon un plan quadrillé, tel que nous le voyons aujourd’hui.
En 1706, le château féodal est détruit par la mer. Il reste des rochers qui émergent à marée basse et qui prolongent la presqu’île vers l’Ouest.
Avec le temps, la mer est devenue de plus en plus menaçante. Aussi, pour protéger l’église, il a fallu consolider la falaise au Sud-Ouest et à l’Ouest de la presqu’île.
Semussac
En quittant le littoral, on survole le plateau calcaire en direction de Semussac. C’est un bourg agricole en bordure de la D730.
Les champs arrivent jusqu’aux abords des maisons.
On voit très bien les trois éléments fondamentaux de l’économie rurale locale :
- les immenses terres céréalières
- la vigne
- les bois
Le contraste est saisissant entre ce paysage ouvert et les grandes forêts qui couvrent la presque totalité de l’Ouest de la presqu’île à partir de Saint-Augustin.
Les exploitations, autour de Semussac, sont importantes, groupant parfois une dizaine de bâtiments.
Certaines de ces fermes sont tassées en rond autour d’une cour intérieure, reste d’un ancien système défensif d’une époque où l’insécurité dominait.
Meschers-sur-Gironde
En revenant vers le littoral, on survole Meschers, dont le bourg s'étale sur le plateau calcaire. Les maisons récentes s'alignent le long de la falaise, dominant les carrelets.
Ces falaises, hautes de 20 à 30 m, sont creusées de nombreuses grottes d'origine karstique.
Souvent, ces grottes ont été aménagées par l'homme et occupées jusqu'au début du XXe siècle. Les plus connues sont celles de Matata et de Régulus. Cette dernière a été aménagée et ouverte au public.
Saint-Georges-de-Didonne
En longeant le littoral vers l’Ouest, on passe devant les deux plus grandes baies de la région, celle de Saint-Georges de Didonne, et la “grande conche” au fond de laquelle se love Royan.
On survole le port de Royan, la conche de Foncillon et le palais des congrès.
Vers l’intérieur, la route de Saintes, le Lycée, l’ancien collège Dunant. A l’horizon, entre la forêt du Parc et, au loin, la forêt de Suzac, la ville de Saint-Georges et sa conche.
En revenant vers le littoral, on survole la ville nouvelle, reconstruite entre 1952 et 1960 selon trois axes:
- Le Boulevard Briand, rectiligne, le long du vallon du Font-de-Cherves, fermé vers l’intérieur par le marché.
- Le Front-de mer qui épouse la courbe de la grande conche
- Au second plan, la “Tache verte”, où aboutissent, la voie ferrée et les routes principales venant de Paris, Saintes, Bordeaux.
L’église domine la ville. La croix, au sommet du clocher, se trouve à près de 80 m. L’architecte Gillet a orienté le choeur vers Jérusalem, rappel symbolique de l’orientation des églises romanes.
Le temple, plus modeste, plus discret, a été conçu pour que le fidèle retrouve la simplicité, le dénuement des “granges” où se cachaient les offices après la révocation de l’Edit de Nantes.
De Royan à la Grande Côte
Entre Royan et la “Grande Côte”, sur plus de dix kilomètres, c’est une succession de falaises et de conches.
La commune de Royan se termine par la très belle conche de Pontaillac.
A la “Belle Epoque” c’était la plage élégante par excellence. Un proverbe disait :”Tout le monde va à Royan, mais tout le monde ne va pas à Pontaillac”.
Après Pontaillac, on survole les petites conches de Gilet, Saint-Sordelin du Conseil.
Entre la plage du Conseil et celle de Nauzan, la falaise est recouverte par le magnifique “Bois des Fées”.
Ce bois s’appelait, à l’origine, du “Deffez” puis “Deffens”. Au XIXe siècle, la duchesse Herminie de Rohan, poétesse, qui résidait au “logis de Rohan”, changea le nom du bois qui devint “le bois des Fées”.
Après Nauzan, c’est la conche de Saint-Palais, magnifique plage de sable fin. La conche est fermée, vers l’Ouest, par une falaise de 25 m de haut: “les Pierrières”. C’est à l’extrémité de celles-ci que se trouve le “Pont du Diable”.Cette pointe de calcaire présente un grand intérêt botanique et surtout géologique. C’est un des rares endroits où l’on peut étudier une transgression éocène sur du calcaire du Secondaire.
En avant de la falaise, le calcaire crétacé se prolonge en un platin rocheux karstifié.
Le Platin
La conche du “Platin” fait suite à la falaise des “Pierrières”. A l’extrémité de cette conche, se trouve, au milieu des bois, la “Chapelle des aviateurs”.
En septembre 1910, se tient, à Royan, la première “Semaine de l’Aviation”. L’aviateur Gibert, parti de Bordeaux, atterrit à Saint-Pierre de Royan. Il a couvert 156 km. Ce qui est un exploit à l’époque.
Le 24 septembre, il décolle de la “grande conche”, longe la côte jusqu’à Saint-Palais. Il survole la petite chapelle du Platin, construite en 1904, devenue en 1909, “N.D. du Platin, patronne des aviateurs". Gibert lance, au-dessus de la chapelle, un petit bouquet de fleurs, contourne le phare de Cordouan et revient se poser sur la grande conche. C’est le premier “Homme-oiseau” à avoir survolé la région.
La falaise rectiligne, avant de s’interrompre pour faire place à la Grande Côte, se couvre d’un camping, de colonies de vacances, de restaurants, dernière agitation humaine avant le silence de la Grande Côte.
La Grande Côte
Cette “Grande Côte”, immense plage désertique de près de 4 km de long, mince ruban de sable fin entre l’immense forêt des Combots et l’infini océan.
Sur la plage, souvent à la limite de la forêt, des blockhaus, restes du “Mur de l’Atlantique”, construit par les Allemands pendant la Seconde guerre mondiale.
La Pointe de la Coubre
Et on survole la “Pointe de la Coubre”. Cette très belle anse dominée par le phare est une région terriblement instable.
En 1900, la “pointe” n’existait pas et le littoral était, du moins au niveau du phare, à plus de deux kilomètres au large. L’immense anse de la Coubre s’est formée en moins de cinquante ans.
Cette instabilité explique que le phare que nous admirons est le second construit en pierre. Le premier fut édifié en 1895 et s’effondra en mai 1907 à la suite du recul de la côte. Le phare que nous connaissons a été construit entre 1904 et 1906. Et il existe encore parce que les dunes ont été fixées et sont surveillées en permanence.
En 1977, la langue de sable de la Coubre était très proche de la côte et presque fermée sur elle-même. Sur la photo, tout le paysage est occupé par la forêt, en grande partie domaniale.
En face de la passe, quelques maisons marquent le début des lotissements de la Palmyre. Un port est en construction.
Aujourd’hui (1997), tout le secteur est envahi par les résidences, les centres de vacances, les nombreux campings, les villages de vacances. Le Parc zoologique, le plus grand parc privé d’Europe, attire, tous les ans, plus de 700 000 touristes. Le plus grand hippodrome de la presqu’île se trouve également dans ce secteur de la Palmyre.
Entre 1977 et 1997, la passe s’est élargie, l’extrémité de la langue de sable s’est éloignée de la côte.
La Côte Sauvage
En remontant vers le Nord, on longe "la Côte sauvage".
On passe entre l'île d'Oléron, à gauche, et la pointe espagnole à droite. Ce pertuis, surtout du temps de la navigation à voile, était très dangereux.
Le 20 décembre 1823, la goélette espagnole "Antonio Carmen", venant de Bayonne et se rendant à Bordeaux est prise par la tempête. Elle est entraînée dans le pertuis de Maumusson et sombre à la pointe d'Arvert qu'on appelle depuis "la Pointe espagnole".
La passe de Bonne Anse. Dimanche 26 octobre1975. Marée de 80, marée basse 11h41, marée haute 17h22.
L'embouchure de la Seudre
En longeant la côte, on découvre “l’embouchure de la Seudre”, presque entièrement envahie par les “claires” à huîtres, au point que le fleuve en est réduit à un chenal de 250 m de large.
En octobre, le long du fleuve, à la Tremblade, des collecteurs captent le naissain d’huîtres qui descend le fleuve.
Un chenal à travers les “claires”, conduit au port de la Tremblade. De chaque côté de ce chenal, “les cabanes” où l’on prépare les huîtres pour l’expédition.
Le pont-viaduc d’Oléron
C’est de Bourcefranc, sur le versant Nord de l’estuaire de la Seudre, que part “le pont-viaduc d’Oléron”.
Ce pont, mis en service en 1966, est l’un des plus longs d’Europe (3027 m). 45 piles supportent des travées dont la portée, au centre, est de 79 m. La chaussée, au centre, se trouve à 23 m, au-dessus du niveau des hautes mers.
Sur la photo, on voit le port de Bourcefranc, le pont-viaduc et, en haut à gauche, le petit îlot du fort du Chapus. Nous sommes à marée haute. A marée basse, une chaussée pavée relie le fort à la côte.
Le fort a été bâti sur ordre de Louvois à partir de 1691. Il devait contrôler et défendre le passage entre l’île et le continent.
En face, le sud de l’île d’Oléron, entre Saint-Trojan et le Château est presque entièrement occupé par les “claires”.
Le Golfe de Saintonge
Au Nord de la Seudre, se trouvait, au Moyen-Âge, le “Golfe de Saintonge”, de près de 10 km de large.
Aujourd’hui, ce golfe est entièrement fermé.
Le comblement s’est fait lentement, tout au long du Moyen-Âge.
Au XIe siècle, la mer arrivait presque jusqu’à Saint-Agnant, Saint-Symphorien. Les seigneurs de Broue, du haut de leur donjon, contrôlaient la navigation dans le golfe.
Dès le XIIIe siècle, le fond du golfe est devenu un immense marais.
C’est en 1374 que la “baie de Brouage” est incorporée au domaine royal.
En 1380, Charles V donne la châtellenie de Hiers au seigneur de Pons. En 1555, un Jacques de Pons construit une première ville “Jacopolis”, non loin de Hiers, sur un terrain où les navires qui venaient du Nord de l’Europe, jetaient leur lest, pour charger du sel. La ville changera très vite de nom et s’appellera "Brouage".
En 1627, Richelieu qui veut faire le siège de La Rochelle, se rend compte de l’importance stratégique de Brouage. Aussitôt, il fait réparer les fortifications. Les travaux commencent en 1630 et se terminent en 1640. Pour construire les remparts, on utilisa les pierres des fortifications de Saint-Jean d’Angély démantelées après le siège de mai 1621.
Au XVIIIe siècle, Brouage n’est plus atteint par le flot. Ce n’est plus un port.
Sur la photo aérienne, on voit très bien la limite entre la mer et l’ancien golfe, transformé en marais et le plan de la citadelle perdue au milieu des marais qui sont, aujourd’hui, mis en culture.
Pour en savoir plus : biographie d'Yves Delmas