La Poche de Royan

Article publié le 10 novembre 2014
par Marie-Anne Bouchet-Roy et Éric Renoux

 

Si vous avez manqué le début...

Alors que depuis juin 1940, Royan subit une occupation ressemblant à celle vécue dans la plupart des villes françaises, la situation se modifie à compter de février 1942. La tranquille "Perle de l'Atlantique" devient, avec La Rochelle et la Pointe de Grave, une des forteresses du Mur de l'Atlantique, renforcée progressivement pour parer une attaque terrestre et désignée Festung Gironde Nord en janvier 1944.

 

Les blockhaus du port (GI 26). Tours de flak avec canons de 37 mm camouflées en villas. Coll. E. Renoux

Une des tours de flak du port et les blockhaus camouflés en maison d'habitation. Coll. privée DR

 

La formation de la Poche de Royan

En août 1944, les maquis, regroupés dans les FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) commencent à sortir des bois et harcèlent les colonnes allemandes en retraite, à la suite du repli général des forces du Sud-Ouest, ordonné par Hitler. Après la libération de Bordeaux, fin août 1944, leur offensive se porte au nord de la Gironde, pour libérer la Charente-Maritime et encercler notamment trois villes côtières tenues par de forts contingents ennemis : La Rochelle, Rochefort et Royan. Cette dernière ville a été renforcée en raison de sa position stratégique à l'embouchure de l'estuaire, qu'elle verrouille en croisant ses feux avec la Pointe de Grave, empêchant l'accès au port de Bordeaux. En août 1944, Hitler a donné l'ordre de défendre les forteresses côtières jusqu'au dernier homme.

On assiste alors en Charente-Maritime à un afflux de maquis extérieurs, notamment de Charente et de Dordogne qui comptent dans leur rang des ressortissants du département qui s'y étaient réfugiés. Un des chefs du maquis de Dordogne, le colonel Henri Adeline, qui a participé à la libération de Bordeaux, obtient la direction de ces maquis, installe son PC à Cognac le 6 septembre et décide de coordonner les opérations de libération des poches. Il est convenu que Rochefort sera attaqué par le groupement Bir-Hakeim (Charente) et que La Rochelle sera tenue par les groupements Demorny (Dordogne), Ricco (Dordogne), Soleil (Dordogne) et Foch (nord Charente).
Royan est bloqué par les groupements Z (Dordogne sud), Roland (Dordogne centre), RAC (Dordogne nord), Bernard (francs-tireurs partisans de Charente) et Armagnac (Gers).
Lors de leur progression vers Royan, les maquis livrent de nombreux combats. Les villes et villages alentour tombent. Le 12 septembre, Rochefort est occupé par les maquis, ce qui consacre la rupture entre les forces allemandes de la Rochelle et de Royan et conduit le colonel Pohlmann, commandant de la place de Royan, à décréter l'État de siège. Il prévient qu'il se battra jusqu'au dernier homme.
La Poche de Royan est formée. 

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LES AUTRES POCHES DE RÉSISTANCE ALLEMANDE.

La poche de Royan Pointe de Grave fait partie des poches de résistance allemande qui vont se maintenir sur le territoire français entre le débarquement de juin 1944 et la capitulation du Reich. Le 19 janvier 1944, Hitler avait ordonné la mise en place des forteresses (festungen) dans tous les grands ports du littoral de l'Europe de l'Ouest. La France en compte 6 sur le littoral de la Manche et de la Mer du Nord : Dunkerque, Calais, Boulogne-sur-Mer, Le Havre, Cherbourg, Saint-Malo ; 5 sur la côte Atlantique : Brest, Lorient, Saint-Nazaire, La Rochelle et Royan Pointe de Grave.

Certaines poches vont être libérées avant la fin de septembre 1944 comme Cherbourg, Saint-Malo, Le Havre, Boulogne-sur-Mer, Calais, Brest. Les combats dans cette dernière ville, qui se terminent le 19 septembre, sont particulièrement intenses et meurtriers (4000 morts). Les Allemands ont eu le temps de renforcer considérablement leurs défenses et les troupes américaines, qui ont débarqué en juin 1944 en Normandie, ont dû combattre pied à pied dans la ville et n'ont pu préserver les installations portuaires pour les utiliser ensuite (les Allemands les ont sabotées). Cette résistance, ainsi que la puissance des fortifications a surpris les Alliés et les a peut-être déterminés à faire le siège des poches encore occupées sans les attaquer militairement, sauf celle de Royan Pointe de Grave.
En janvier 1945, il reste environ 100 000 Allemands enfermés dans les poches. Partout le schéma est sensiblement le même, évacuation des civils et affrontements réguliers aux limites des forteresses entre Allemands et FFI. Ceux-ci sont mal équipés, oubliés par le commandement allié concentré sur le front de l'est.
Seule la poche de Royan Pointe de Grave sera investie par la force en avril 1945. Après cette Libération, puis la capitulation de l'Allemagne le 8 mai 1945, les autres poches se rendent, Dunkerque et La Rochelle le 9 mai, Lorient le 10 mai, Saint-Nazaire le 11 mai.

LES FFI AUTOUR DE LA POCHE. En octobre 1944, la Poche de Royan est tenue par plus de 8000 hommes issus des maquis de Dordogne et de Charente qui seront réorganisés régulièrement et renforcés progressivement par d'autres éléments.

Les maquis autour de la Poche en septembre-octobre 1944
  • À l'embouchure de la Seudre, le bataillon Roland est originaire des maquis de l'Armée Secrète de Dordogne. Lorsqu'il s'installe sur la Seudre, il est commandé par le capitaine Christophe jusqu'au retour de convalescence du commandant Roland Clée. Il reçoit les renfort de plusieurs groupes FFI de Dordogne : le groupe Leclerc, le groupe Vézère, le groupe Guitton puis le groupe Gambetta du capitaine Rouby qui arrive de Haute-Vienne. Son PC est à Marennes. 1200 hommes.
  • Sur la Seudre, la demi-brigade Armagnac du lieutenant-colonel Henri Monnet est originaire du Gers et arrive de Bordeaux. Le 6 octobre, elle relève le bataillon Violette de Dordogne, arrivé sur la Seudre avec le bataillon Roland. Elle comporte trois bataillons et sera renforcée par le bataillon de l'École Navale du Lot et Garonne, par un bataillon du régiment de Bigorre, par un bataillon du Gers. Son PC est à Port d'Envaux. 1700 hommes.
  • Entre l'Éguille et Saujon, le régiment RAC du commandant Rodolphe Cézard alias RAC est issu de l'armée secrète de Dordogne nord. Il est constitué de trois bataillons et dispose de sa propre artillerie. Son PC est à Saint-Porchaire. 3000 hommes.
  • Entre Saujon et Cozes, le régiment FTP Bernard originaire des maquis de Charente est commandé par le commandant Christophe qui a remplacé le colonel Bernard Lelay. Il se compose de 4 bataillons. Son PC est à Thénac. 1500 hommes.
  • Entre Cozes et Talmont, le régiment Z, commandé par le commandant Georges Moressée alias Z, se compose d'unités originaires des maquis de Dordogne sud notamment les groupes Médéric, Loiseau, Georges, Lecamp, Ponton Martin, Urbain, François 1er, les bataillons Pierrot, Alberte ou Lila, Santraille ou Joseph et Martin. Seul le groupe Georges La Bruyère arrive de Charente. Il compte 6 bataillons et son PC est à Gémozac. 1900 hommes.

De nombreux remaniements et réorganisations auront lieu sur ce front avant l'offensive finale. Les premiers sur place autour de la poche recevront le renfort d'autres unités comme la brigade Bertrand du colonel René Bertrand, originaire du Cher et arrivée à Royan le 21 octobre, certaines unités seront relevées, la plupart seront transformées en unités régulières.

Les combats lors de la progression vers Royan

Les villes et villages autour de Royan sont libérés par les Forces Françaises, non sans résistance de l'ennemi et contre-offensives :

  • Saintes le 4 septembre. La colonne allemande de 150 hommes envoyée de Royan échoue à la reprendre. Saujon le 12 septembre. L'ennemi tente une contre-attaque le 15 puis le 17, réoccupe Saujon qui sera repris le lendemain. Le major Reisinger qui commande l'artillerie de la forteresse de Royan est fait prisonnier à cette occasion.
  • Au sud, Mortagne le 7 septembre.Un commando ennemi débarque sur 6 bateaux pour récupérer des stocks de farine de la minoterie et sont repoussés par 3 groupes de maquisards. 40 Allemands sont tués. Talmont le 9 septembre, Cozes le 18 septembre.
  • Au nord, Marennes le 9 septembre. Le 11 septembre, des allemands venus de la Rochelle tentent un débarquement à la pointe du Chapus et sont repoussés par les maquis.

Les dés sont jetés

Dans cette période incertaine de septembre 1944, la situation aurait pu basculer de plusieurs façons. D'une part, les maquis sont prêts à attaquer Royan. Mais les défenses royannaises sont redoutables et le colonel Adeline, qui transfère son PC à Saintes le 14 septembre, préfère tenir les lignes acquises au 12 septembre en attendant l'appui de l'armée française pour la libération finale. On sait également que des Résistants royannais, informés des intentions des maquisards et persuadés qu'ils n'avaient aucune chance, ont fait passer des plans des défenses allemandes aux états-majors de Cognac et de Bordeaux, ce qui appuya la décision de ne pas attaquer immédiatement la Poche. Cette décision sera remise en cause par certains maquisards qui pensent qu'à cette période, on aurait pu tenter un coup de bluff. Il faut dire, à l'appui du choix effectué, que les maquis sont mal organisés et peu armés

D'autre part, des pourparlers sont organisés le 9 septembre, à l'école de Médis, entre le major américain John Gildee et le capitaine français Alexandre Desfarges dit "Yves Delorme", membres d'une commission interalliée, et le colonel Pohlman assisté du lieutenant Schade. L'Américain propose la reddition au nom du commandement allié. Les Allemands refusent. Certains évoquent une altercation violente entre les Allemands et des maquisards présents. Nul ne sait si l'attaque aurait réussi ou si la capitulation était possible. L'une et l'autre auraient peut-être changé le destin de la ville.

Cet arrêt des combats fige une situation qui laisse présager un dénouement auquel tous se préparent, l'attaque de la Poche. Cette option se confirme lors de la visite du général de Gaulle à Saintes le 18 septembre. Il rencontre le colonel Adeline qu'il confirme dans son commandement des maquis de Charente-Maritime, les différents chefs des unités FFI et le capitaine de frégate Hubert Meyer, chargé des négociations avec l'ennemi. Prenant connaissance de la situation, il décide de réduire les poches par la force en commençant par Royan Pointe de Grave pour débloquer le port de Bordeaux « pour que les combats de la côte Atlantique finissent par une victoire française ». De Gaulle veut que l'attaque soit faite uniquement par des fantassins français avec des renforts en artillerie, chars et avions.

Les Allemands s'attendent donc à subir une attaque massive et renforcent leur dispositif de défense. Le commandement français réorganise les troupes pour préparer l'offensive. Les deux parties cherchent à évacuer les civils.

 

Les Allemands organisent leur défense

À partir d'août  1942 et jusqu'en 1944, la 2e Festung Pionier-Stab 13, aidée dans son entreprise par l'Organisation Todt, bétonne la côte royannaise avec le concours d'une vingtaine d'entreprises allemandes et françaises. À partir de ce moment-là, l'embouchure de la Gironde forme un véritable rempart de béton et d'acier se dressant face à la mer, contrôlant l'accès au port de Bordeaux et sa base sous-marine, portant le nom de Festung Gironde Nord.

Implantation de la Festung Gironde Nord     

A la veille de l'attaque française, la forteresse de Royan possède trois lignes de combat.

  • La première de Ronce-les-Bains, au nord, à la pointe de Suzac, au sud est constituée par 43 points d'appui, formant une partie du mur de l'Atlantique.
  • La seconde englobe les villes de Vaux-sur-Mer, Royan et Saint Georges de Didonne, parcourant les collines, surplombant les plaines de Saint-Sulpice-de-Royan, Médis et Semussac. Elle totalise 135 points d'appui léger (Unterpunkt 101 à 135), édifiés au début de l'été 1943, principalement constitués de tranchées et d'encuvements en rondins et planches; d'un point d'appui (ensemble de blockhaus Stp 100) servant de poste de commandement construit à la Triloterie, abritant le PC divisionnaire de la 708e division d'infanterie et quatre panzerwerk (ensemble de blockhaus), deux interdisant les axes routiers provenant de Saintes et Rochefort (Pzw II et III), deux bloquant l'accès vers la presqu'île d'Arvert (Pzw I et Pzw IV).
  • À partir d'octobre 1943, une troisième ligne de défense, à l'est de la forteresse, entre Chaillevette et Taupignac, barre du nord au sud l'accès à la forêt de la Coubre (Unterpunkt 200 à 235).

La place forte est aussi protégée par la barrière naturelle que représente la Seudre et les marais qui s'étendent entre celle-ci et Rochefort.

Pour verrouiller l'embouchure de la Gironde, une batterie lourde doit relier le front de l'île d'Oléron au front de Royan. D'autre part, les deux passes navigables de la Gironde, au nord et sud du plateau rocheux de Cordouan, doivent être sous le feu croisé des batteries de Royan et de celles de la Pointe de Grave.

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Les principaux cadenas du dispositif défensif en septembre 1944

Du nord au sud :

  • la batterie lourde "Gironde" de 240 mm, située à la maison forestière du Pavillon au milieu du massif de la Coubre. Elle permet un tir à 360° d'une portée de 27 km.
  • Un ensemble au sud de la Côte Sauvage qui regroupe deux batteries d'artillerie de marine (phare de la Coubre et Requin), une station radar de la même arme et une ceinture défensive à l'intérieur servie par l'armée de terre. Elle verrouille la passe nord de la Gironde.
  • À Saint-Palais-sur-Mer, au lieu dit "Terre Nègre" et à Vaux-sur-Mer (Saint-Sordelin), deux batteries côtières de moyenne portée complètent le dispositif bloquant l'entrée de l'estuaire entre Cordouan et la côte.
  • À Royan, le fort du Chay protège le port qui abrite une unité de flak (défense anti-aérienne) sur abri bétonné.
  • À l'intérieur des terres, les principaux axes routiers sont contrôlés par les panzerwerk équipés de cloches blindées sur des abris béton. Le plus abouti dans la construction et dans l'articulation de sa défense est le Panzerwerk III de Belmont qui entravera grandement l'avancée des troupes de libération.

LA FORTERESSE EN DÉTAIL

Les deux passes de la Gironde, au nord et sud du plateau rocheux de Cordouan, pouvant être abordées par une escadre de débarquement alliée, elles doivent être couvertes, à chaque extrémité, par une batterie lourde à longue portée (240 mm) pouvant engager le combat sur une flotte à grande distance (environ trente kilomètres), par deux batteries semi-lourdes de 150 mm pouvant atteindre des bateaux de classe moyenne à près de vingt kilomètres de distance et un certain nombre de batteries moyennes et légères de 138, 114, 105 et 75mm permettant d'atteindre des embarcations légères à courte distance.
Les batteries réunissent un ensemble de plusieurs éléments bétonnés et fortifiés formant un ensemble cohérent et assez hermétique. Les différents programmes de construction (Bauprogramm) des édifices bétonnés (Regelbauten) permettent à la batterie d'assurer sa propre protection, son autonomie aussi bien au niveau opérationnel logistique que de l'intendance. 

Au moment de la fermeture de la poche :

  • La position la plus importante se trouve à la pointe Sud de la Côte Sauvage sous le nom de code Stützpunkt « Coubre ». Ce point d'appui est composé de deux batteries côtières de la Kriegsmarine, d'une station radar de la même arme et d'une ligne de défense circulaire occupée par l'armée de terre. La première batterie GI 36 M « Cordouan » est armée de quatre pièces de marine Krupp de 150 mm sur abri soute permettant un tir à 360°. La seconde batterie, ex-française, GI 09 M « Cosel », bénéficie de 4 canons de 138 mm modèle français et de deux de 75 mm sous casemate. La ligne de défense circulaire dispose d'un armement conséquent allant du canon de 75 mm au 37 mm en passant par des tourelles de char sur abri « Tobrouk » auxquelles s'ajoutent une cinquantaine de mitrailleuses.
  • Plus au Sud, sur la commune de Saint-Palais-sur-Mer, au lieu dit le Puits de l'Auture, les Allemands ont changé l'armement du point GI 14 M « Froch » en remplaçant les canons de 75 mm par 4 de 105 mm sous casemate. L'embouchure de la Gironde est aussi prise sous le feu de la batterie de Saint-Sordelin, GI 19 H « Herford », par six pièces anglaises de 114 mm sous casemate.
  • Le port de Royan est défendu directement par une batterie côtière qui le surplombe du haut du Fort du Chay, GI 25 M « Hindenburg », avec trois canons de 75 mm et deux canons de 76,2 tchèques sous casemate. Les Allemands protègent le site avec une unité de Flak de 4 canons de 75 mm, 2 de 20 mm et 2 canons de 40 Bofors de prise. Le port quant à lui abrite une section de Flak légère montée sur des tours bétonnées avec chacune une pièce de 37 mm et un complexe défensif couvrant les abords des jetées et digues sous le nom de code GI 26 L « Hirschberg ».
  • Au printemps 1943, les Allemands fortifient les axes routiers qui desserve la forteresse par des Panzerwerk essentiellement composés de cloches blindées à six créneaux de tir montés sur blockhaus, de garages pour canons antichar et de mortiers sous masque de blindage. En été 1943, la ligne des UP 100 et 200 voient le jour et se composent de tranchées et d'encuvements en rondins et planches, camouflant sous des filets, des mitrailleuses, des fusées V4 sur rampes de lancement et chars télécommandés bourrés d'explosif (Goliath). En été 1944, les travaux s'accélèrent et le carrefour de Fontbedeau, bloquant la route venant de Rochefort et desservant la presqu'île d'Arvert, est verrouillé par un nouveau panzerwerk (Pzw IV) avec deux cloches blindées montées, à la hâte, sur des wagons et entourées d'un remblai de terre.
  • La batterie GI 50 M « Gironde » dont la construction avait débuté fin 1943 à la maison forestière du Pavillon, au milieu du massif de la Coubre, ne sera pas achevée au moment de la fermeture de la poche. Elle sera armée de 2 pièces de 240 mm sous cuirasse provenant de navires de classe Mirabeau désarmés à Toulon. Les deux pièces reposent sur un pivot central en béton avec un mur par éclat.
Les effectifs allemands

Les effectifs allemands ont été modifiés par les débarquements de Normandie et de Provence. Au début du mois d'août 1944, la 708e division d'infanterie a quitté la forteresse pour se placer en urgence sur la Loire, ne laissant à Royan que ses deux bataillons de Cosaques. La poche de Royan n'est alors occupée que par un bataillon d'infanterie de forteresse, trois groupes d'artillerie côtière (artillerie de marine 284 et artillerie côtière de l'armée de terre 1282), le groupe de Flak (DCA) 999 et quelques compagnies supplémentaires. Pour pallier ces départs, la forteresse de La Rochelle est dégarnie de deux bataillons d'infanterie (360 et 472) composés de quatre compagnies, de 120 à 150 hommes chacune. Ce vide inquiétant pour l'ennemi est également comblé par les nombreux marins des navires coulés dans l'embouchure de la Gironde les 12 et 13 août par les chasseurs bombardier du Coastal Command britannique. Ils formeront en décembre le bataillon Tirpitz. Les effectifs présents dans la forteresse au mois de septembre 1944, toutes unités confondues, infanterie et artillerie de  l'armée de terre et de la marine s'élèvent à environ 5500 hommes dont 130 officiers.

En Septembre 1944, c'est l'Oberst Hartwig Pohlman qui commande la Festung Gironde Nord. Il est arrivé à Royan le 1er Juin 1944 en provenance de La Rochelle, a établi son PC à la villa Le Lys Rouge et reste en poste jusqu'au 9 octobre. À cette date, celui que les Royannais surnomment Popaul, prend le bac et traverse la Gironde pour remplacer le Konteradmiral Hans Michahelles appelé à prendre le poste à Royan. Michahelles, installé au Golf Hôtel à Pontaillac, occupe, en plus de son poste de Commandant de la place de Royan, celui de Seekommandant Gascogne du 9 Octobre 1944 au 4 Mars 1945 et prend la direction des deux forteresses (Royan Pointe de Grave) à compter du 5 Mars 1945, après que l'Oberst Pohlman a été relevé de ses fonctions pour s'être opposé à l'ordre de ses supérieurs de détruire le môle transatlantique du Verdon.

Une grande réorganisation des unités d'infanterie de l'armée de terre intervient le 1er Février 1945 avec la création du Royan Régiment. Il comprend trois bataillons de quatre compagnies chacun, avec 80 hommes par compagnie pour le premier, 90 pour le second et 100 pour le troisième. On est loin des effectifs réglementaires de l'armée allemande.

BIOGRAPHIES DE HARTWIG POHLMAN ET HANS MICHAELLES.

PohlmanHartwig Pohlman, né en 1898, était un transfuge de la Rochelle où il assurait déjà la charge de Festungkommandant. Il est Oberstleutnant iG au sein de la 81e division d'infanterie (DI) pendant la campagne de France puis il occupe le poste de Chef der Generalstabes au sein de la 31e DI. En août 1942, il est versé à la 96e DI et participe à la campagne du front de l'Est comme Oberst Kdr le Gren-Rgt 284. Du mois d'avril à fin mai 1944, il occupe la fonction de Festungkommandant à la Rochelle, puis du 1er juin au 9 octobre, il exerce ces mêmes fonctions à Royan. Le 9 octobre, il prend le bac et traverse la Gironde pour remplacer le Konteradmiral Hans Michahelles, rappelé à son poste à Royan. Il restera en place comme Festungkommandant de la Pointe de Grave jusqu'au 26 novembre 1944. Durant cette période, il essaie de compléter les défenses de la forteresse et de renforcer l'instruction et le moral des troupes jusqu'au jour où il reçoit l'ordre du Marine-Oberkommando-West de détruire le môle transatlantique du Verdon. S'opposant à l'ordre de ses supérieurs, il transmet un très long rapport expliquant ses raisons et motivations. Le 26 novembre, il est relevé de ses fonctions et rentre par avion en Allemagne via le terrain de Laleu, situé près de la Rochelle. De retour au pays, il est traduit devant la cour martiale sous l'inculpation " A désobéi aux ordres en service actif ". Inculpé, il est emprisonné pendant cinq semaines puis il est de nouveau jugé le 31 mars 1945 par le Reichskriegsgericht. Cette fois, il est acquitté et obtient la promotion de Generalmajor, sans unité ni rôle à jouer jusqu'à la fin de la guerre.

 

michahellesHans Michaelles, né le 18 mai 1899 à Nuremberg, entre dans la marine le 10 avril 1917 et obtient le grade de Leutnant zur See le 30 juillet 1920. Il sert successivement sur le croiseur Freya, les bateaux de ligne Baden et Hannover, le croiseur Berlin, le navire école Niobe, le Tender T154, les Torpilleurs Itis et Wolf, sur le Schleswig-Holstein et, le 1er août 1939, il est nommé au grade de Fregattenkapitän. À partir du mois de mai 1941, il occupe le poste d'officier marinier au sein du A.O.K 12 avec le grade de Kapitän zur See obtenu le 1er avril 1941. Du 28 août 1943 au 17 avril 1945, il dirige le secteur maritime Gascogne (Seeko Gascogne) et dans ce laps de temps, il occupe aussi successivement la fonction de Festungkommandant Gironde Sud du 29 septembre 1944 au 8 octobre 1944 et Gironde Nord du 9 octobre 1944 au 4 mars 1944. Enfin, il est nommé au grade de Konteradmiral le 1er octobre 1944. D'autre part, il supervise aussi directement les deux Festungen nord et sud depuis le 5 mars 1945 et celles-ci totalisent 6300 combattants. Le Konteradmiral Hans Michahelles sera fait prisonnier le 17 avril 1945 dans son PC de Pontaillac et recevra, pour sa résistance face aux FFI, la croix de chevalier (RK) le 30 avril 1945.

SITUATION DE L'ARTILLERIE DE SEPTEMBRE 1944 À AVRIL 1945 - LISTE DES COMMANDEMENTS

MAA : Marine Artillerie Abteilung (artillerie de marine)
HKAA : Heeres Küsten Artillerie Abteilung (artillerie côtière de l'armée de terre)
Pack Gruppen : canons anti-chars
Zug : train
 

MAA 284 - Commandant : Korvettenkapitän Hermann Haueisen (promu au grade de Fregattenkapitän le 1er novembre 1944 - PC Puits de l'Auture (Stp 13)

  • 1re Cie / MAA 284 - Oberleutnant Fritz Becker - Fort de Royan (Stp 25 Hindenburg)
  • 2e Cie / MAA 284 - Oberleutnant August Kesting - Coubre Ost (Stp 09 Cosel)
  • 3e Cie / MAA 284 - Kapitänleutnant Edmund Hirt - Coubre West
  • 4e Cie / MAA 284 - Kapitänleutnant Hans-Georg Statz - Terre Nègre (Stp 14 Glogau)
  • 5e Cie / MAA 284 - Kapitänleutnant Werner Schmidt-Tebelmann - Gironde (Stp 50-
  • 6e Cie / MAA 284 - Oberleutnant Ernst Schneider - Breuillet
  • 7e Cie / MAA 284 - Leutnant Otto Krämer - la Grande côte (Stp 12 Hamburg)
  • Battr-Malakoff - Oberleutnant Merkle (Merkle)

HKAA 1282 - Commandant : Major Josef Hochhauser - PC la Triloterie (Stp 100)

  • 1re Cie / HKAA 1282 - Hauptmann Eberspächer - Maisonfort
  • 2e Cie / HKAA 1282 - Hauptmann Bernhard - Saint-Sordelin (Stp 19 Herford)
  • 3e Cie / HKAA 1282 - Oberleutnant Slocinski - Taupignac et Champagnole

Pak-Gruppen sud - Commandant : Hauptmann Max Müller
Pak Gruppen Mitte - Oberleutnant Dalldorf - 4 x 7,65 cm FK5/8 (t) et 2 x 7,5 cm FK 235 / 236(b)
Pak Gruppen Nord - Oberleutnant Schade - 3 x 7,5 cm FK236 (b) et 3 x 7,5 cm FK231(f)

Zug Seudre Ost - 2 x 7,5 cm FK236 (b)
Zug Seudre Nord - 2 x 7,5 cm FK236 (b)
Zug Pontaillac - 2 x 7,5 cm FK243 (h)

La vie des troupes d'occupation au sein de la forteresse

Durant la seconde semaine de Septembre, la Festung Gironde Nord se referme pour soutenir un long siège. Elle se retrouve isolée du côté terrestre, mais des liaisons maritimes avec la Festung Sud Pointe de Grave sont fréquentes et aussi, occasionnellement, avec celle de La Rochelle, pour échanger de l'armement, du ravitaillement et des troupes. Des liaisons aériennes nocturnes seront mises en place directement avec l'Allemagne à partir de la fin du mois d'octobre pour recevoir du courrier, si important pour le moral des troupes, des médicaments ainsi que quelques officiers.

Les Allemands vont profiter des mois qui précèdent l'attaque pour développer le système défensif et étendre les champs de mines, déjà présents autour de la première ceinture terrestre, sur la ligne des Up 200 et à quelques avants postes. Ensuite pour pallier le problème de ravitaillement, ils procèdent à une vague de réquisitions supplémentaires chez l'habitant (lapins, vaches, volailles ainsi que moyens de transport : charrettes, bicyclettes.) Ils vont jusqu'à créer des Landwirschaftskompagnie (compagnie d'agriculteurs), chargées d'exploiter les terres agraires et fermes laissées vacantes après les évacuations. On stocke de plus en plus et, en même temps, on dédouble et rationne ce qui peut l'être. La vie devient difficile pour le soldat allemand qui avait connu jusque là des jours meilleurs sur la côte royannaise. Au sein de la ville, les bâtiments sont transformés en lieux de stockage pour atteindre, au début de l'année 1945, une réserve alimentaire permettant de tenir au moins six mois, en admettant que le ravitaillement de l'extérieur par voie maritime ait cessé. Pour le vin, il est estimé à deux ans à raison de 30 cl par soldat et par jour, loin des quantités absorbées dans les premières années d'occupation !
Le rationnement forcé à une répercussion fâcheuse sur le moral. Ainsi les soldats au sein de la forteresse cherchent par tous les moyens à améliorer l'ordinaire, contrairement à ceux sur les avant-postes qui trouvent toujours de la nourriture directement chez l'habitant. Pour entretenir le moral des troupes qui n'est pas au plus haut, l'état-major distribue des décorations et donne de l'avancement. Il organise des jeux et des distractions au sein des Soldatenheim (foyer), afin de faire oublier l'intensification de l'entraînement mis en œuvre depuis la visite du maréchal Rommel.

Les Forces Françaises préparent l'attaque

Pour préparer la libération des poches, il faut coordonner les Forces Françaises. Le 14 octobre, le général de Larminat est désigné par le général de Gaulle pour commander les Forces Françaises du Front Ouest (FFO), de Lorient aux Pyrénées. Assisté par le général André d'Anselme, il doit préparer l'attaque des poches de l'Atlantique. Il installe son PC à Cognac le 22 octobre et prend ses quartiers au Château de Bagnolet. Sous son autorité, le colonel Adeline commande les Forces Françaises du Sud-Ouest (FFSO), appellation prise par les troupes FFI en opération dans la zone Royan Pointe de Grave La Rochelle. Les secteurs de La Rochelle et Pointe de Grave sont placés sous les ordres des colonels Chêne et de Milleret. Adeline prend la responsabilité directe des Forces de Royan (FFRY). Celles-ci comptent plus de 8000 hommes en octobre et 11000 en novembre.
Ces forces terrestres sont appuyées par les Forces Aériennes de l'Atlantique (FAA), commandées à partir du 25 novembre 1944 par le général Corniglion-Molinier qui installe son PC à Cognac. Il est sous l'autorité du général américain Ralph Royce, commandant la First Tactical Air Force provisoire. (à Vittel).
Les Forces Françaises de l'Ouest sont rattachées aux armées alliées et placées sous l'autorité du général américain Jacob Devers (à Vittel), lui-même agissant sous contrôle du commandement suprême des Forces Alliées en Europe, dirigé par le général Eisenhower.

Pour les Forces françaises commence alors une période d'attente dans des conditions difficiles. Les hommes se qualifient eux-mêmes de Forces Françaises Oubliées. En attendant l'attaque finale, il ne se passe que quelques escarmouches aux frontières de la poche, qui se soldent en général par des échecs allemands et cessent à partir de janvier 1945. 

LES MAQUIS "SOLDATS EN SABOTS". Dans le secteur de Royan, les maquis représentent la véritable force armée. Ils sortent de la clandestinité et ont été regroupés dans l'armée des Forces Françaises de l'Intérieur au printemps 1943. Hors la loi, ils ont des habitudes d'indépendance et d'initiative qui ne plaisent pas à l'armée régulière. Ils n'ont pas de formation et sont issus de groupes différents : les FTP (Francs-Tireurs Partisans communistes), l'ORA (Organe de Résistance de l'Armée) qui regroupe des officiers d'active, l'Armée Secrète (créée en octobre 1942 sous l'autorité du général de Gaulle issue du regroupement de plusieurs mouvements en vue de la création de la future armée française).
N'ayant ni service d'intendance ni service de santé avant février 1945, les FFI ont une vie difficile. Ils sont souvent en civil, en espadrille ou en sabots d'où leur surnom de « soldats en sabots ». Ils réquisitionnent la nourriture auprès de la population civile, leur armement, provenant de parachutage ou de dépôts d'armes abandonnés, est hétéroclite. De plus, ils sont considérés par les Allemands comme des terroristes et, s'ils sont pris, exécutés immédiatement. Pour pallier ce risque, une entrevue est organisée à Médis le 15 septembre 1944 entre le lieutenant-colonel Fray, chef d'état-major d'Adeline et le major Vogt de l'état-major de Pohlman. Les Allemands acceptent de considérer les FFI comme des combattants réguliers à conditions qu'ils portent un brassard tricolore.

Cette situation confuse, entraîne certains abus, pillages, réquisitions abusives, massacres de prisonniers allemands par des maquisards exaspérés ou encore par ceux de la dernière heure, ceux qu'on a appelés les Forces Françaises de Septembre. On a souvent reconnu au colonel Adeline le mérite d'avoir pris en main ces unités qui en inquiétaient beaucoup d'autres.

Les civils sont évacués

En septembre 1944, la poche de Royan compte environ 8000 habitants, dont 4000 dans la ville même. L'évacuation des civils est souhaitée à la fois par les militaires français qui veulent dégager la zone de combat et par les Allemands qui veulent se débarrasser de Résistants éventuels et de bouches inutiles à nourrir.
Au printemps 1944, les Royannais avaient été invités à partir volontairement mais sans grand succès. Ceux qui acceptaient d'être évacués, craignant les destructions et les pillages, disséminaient leurs biens dans différents garde-meubles de la ville et enterraient leur linge, précautions dérisoires quand on connaît la suite.
Les premières évacuations imposées ont lieu en août 1944, concernant surtout les jeunes. Dès le début, la population oppose une vive résistance malgré les moyens employés pour la contraindre : suppression des cartes d'alimentation contre une prime de 750 FF. Seuls sont autorisés à rester les Royannais travaillant pour les Allemands, les fonctionnaires, les médecins et pharmaciens, la population agricole et les commerçants essentiellement nécessaires pour le ravitaillement.
Les 4 et 8 octobre à Médis, des pourparlers ont lieu entre Allemands et Français pour l'organisation des évacuations qui entrainent à chaque fois une période de trêve. En général, les civils sont emmenés à Médis sur des camions allemands ornés de fanions blancs puis rejoignent Saujon en train ou en camion. Les FFI effectuent un contrôle pour éviter que les collaborateurs s'échappent. Enfin les évacués sont recueillis par le service des réfugiés de Saintes qui organise leur réception dans les zones d'hébergement, réception qui n'est pas toujours très accueillante.
Des évacuations obligatoires ont lieu les 11, 12, 13 octobre 1944 pour la population de La Tremblade puis le 20 octobre pour la Presqu'île d'Arvert. Dans certains villages aux avant-postes, comme à La Tremblade, la population sera parfois expulsée brutalement sans qu'aucune trêve soit prévue. Les Royannais sont évacués les 18 et 25 octobre mais après cette date, la population se dérobe et les trains du 27 novembre et du 4 décembre repartent presque à vide.
Parmi les civils qui se sont maintenus dans la Poche de Royan, certains étaient donc clandestins, rendant l'évaluation de la population difficile. On estime cependant qu'il restait environ 2000 personnes à Royan à la fin de l'année.

LA VIE DES CIVILS À L'INTÉRIEUR DE LA POCHE. La vie quotidienne de ceux qui restent à l'intérieur de la Poche n'est pas facile. Les Royannais sont livrés à eux-mêmes mais la solidarité entre civils est exemplaire pendant cette période. Quant à ceux qui avaient collaboré, sentant le vent tourner, ils furent peut-être les plus généreux.
Théoriquement, le ravitaillement des civils doit être assuré par les Allemands. Ils disposent des provisions de la base sous-marine de Bordeaux, ramenées à Royan par chaland et, le 2 octobre 1944, la Wehrmacht avait réquisitionné tous les stocks alimentaires civils. Ces réserves n'apparaissent cependant pas suffisantes et l'amiral Michahelles déclare le 2 janvier : «  L'intendance allemande cessera le ravitaillement le 15 janvier et les approvisionnements civils seront pratiquement épuisés le 20 janvier ». À quoi le général de Larminat répond : « Le ravitaillement de cette population ne s'impose plus, d'abord parce qu'elle est composée en grande partie d'agriculteurs et ensuite parce que des opérations offensives ne tarderont pas à libérer la région de Royan ».
La situation alimentaire n'est pas catastrophique. Les campagnes alentour fournissent de la nourriture et les évacués laissent leur provision à ceux qui restent. En revanche, il n'y a plus ni gaz ni électricité, on se chauffe et on fait le cuisine au bois, (les Allemands produisent leur courant grâce à un moteur diesel) et il faut aller chercher l'eau au puits. Il n'y a plus de radio, de journaux, de courrier à part celui qui arrive des évacués par la Croix-Rouge et une poste clandestine qui fonctionne entre Médis occupée et Saujon en zone française.
Les déplacements des civils sont complexes. Royan déclarée zone rouge dès le début de l'occupation, on ne pouvait ni entrer ni sortir de la ville sans un laissez-passer délivré par la Kommandantur. Avec la formation de la poche seuls ceux qui travaillent à l'extérieur ont un Ausweiss permanent et les laissez-passer deviennent difficiles à obtenir quand l'Oberlieutnant Fuchs, prussien nazi fanatique, est chargé de les délivrer. Les Résistants circulent donc avec des faux papiers. D'autre part, les moyens de transport sont très rares, les Allemands ayant réquisitionné voitures (sauf pour les médecins) et bicyclettes.
La municipalité est constituée par une délégation spéciale présidée par M. Lanteires qui se montre prudente pour se maintenir en ville.
Monseigneur Bouin est le représentant de l'église catholique et le pasteur Besançon, qui mène des activités de Résistant, celui de l'église protestante.

Les Résistants s'activent

Des éléments actifs de la Résistance existent à Royan depuis 1942 et se sont maintenus dans la forteresse. À Royan, le responsable Paul Bouchet dispose d'une quinzaine de groupes d'environ 10 personnes, qui s'ignorent pour éviter de tomber en chaîne. Les Résistants ont pour mission principale de renseigner les Forces Françaises sur les positions ennemies pour faciliter l'investissement de la Poche. Leurs principales activités sont les suivantes :

  • repérage et plans de toutes les batteries, champ de mines, ouvrages fortifiés allemands. Ces renseignements sont régulièrement passés par des résistants qui traversent la Seudre, à travers les patrouilles ennemies et les champs de mines, jusqu'à l'État-major de Saintes
  • organisation de filières de désertion pour les soldats allemands qui livrent alors des plans précieux. Certains membres de l'armée allemande, notamment polonais souhaitaient déserter, ce qui a pu permettre à des membres de la Gestapo se faisant passer pour des déserteurs potentiels d'arrêter des Résistants.
  • organisation du passage des lignes et surtout de la Seudre
  • installation, à l'intérieur de la poche, de postes émetteurs, un à Puyraveau et un à Royan. Par la suite, deux autres seront installés, au logis de Vaux et à Courlay.
  • De plus, les Résistants agissent sur le moral de l'ennemi en distribuant des tracts, en diffusant la nouvelles des défaites allemandes. Il y aura aussi quelques initiatives individuelles comme le fil téléphonique de la Wehrmacht coupé à Chenaumoine le 28 septembre 1944 ou un soldat allemand tué à Saint-Georges-de-Didonne le 30 septembre.

ORGANISATION DE LA RÉSISTANCE ET RÉPRESSION ALLEMANDE. Depuis septembre 1943, les membres du principal mouvement de Résistance locale, affiliée à l'AS-OCM (Armée secrète et Organisation Civile et Militaire) sont sous les ordres du commandant Thibaudeau alias «Marché» assisté par Madeleine Fouché alias « Françoise ». Dans la presqu'île d'Arvert, la résistance est totalement désorganisée après une vague d'arrestations par la gestapo fin 1943 et début 1944. À cette période sont arrêtés, torturés et déportés le commandant Baillet, Louis Bouchet, René Carton, Franck Lamy, le commandant Parizet. Aucun ne reviendra de déportation. Paul Bouchet prend la suite de son frère Louis Bouchet arrêté le 9 février 1944. Lorsqu'il est arrêté à son tour, le pasteur Besançon prendra la suite puis le Dr Domecq dit « Toto » après le bombardement. Cet évènement oblige la Résistance à se réorganiser, des hommes ayant été tués, d'autres blessés ou évacués.

Ces activités des Résistants exaspèrent les Allemands, sous la pression des maquis extérieurs. Les arrestations et les exécutions se multiplient.

La répression allemande

Le 16 septembre 1944, deux résistants sont assassinés à Suzac, le 12 décembre un résistant est tué à Arvert. À Ronce-les-Bains, 4 jeunes gens sont torturés après la découverte du meurtre d'un soldat allemand.

Le 3 novembre 1944, Paul Bouchet est arrêté à son tour par la Gestapo avec Daniel Arrivé et Jean Vaurigaud. Ils sont incarcérés à la villa Saint-Louis à Pontaillac puis transférés à la villa Déli à Pontaillac  (la villa Saint-louis est devenue trop petite !). Paul Bouchet est condamné à mort avec 6 autres prisonniers mais la sentence n'est pas exécutée, grâce aux pressions exercées par les Forces Françaises. Pendant de longs mois le colonel Adeline alterne auprès de Michahelles menaces de représailles et propositions d'échange de prisonniers. Le Royannais Pierre Verneuil, préfet de Saintes libéré, fait pression également pour obtenir la grâce des prisonniers, de même que le capitaine de frégate Hubert Meyer. Ces propositions auraient fini par aboutir mais le bombardement intervient. Le Dr Domecq réussit à faire évader certains prisonniers, l'amiral Michahelles n'osera pas faire fusiller les autres qui seront libérés en avril.

La préparation de l'opération Indépendance

Une fois la décision prise de réduire la Poche de Royan par la force, les Alliés et les Forces Françaises vont s'appliquer à préparer l'opération baptisée Indépendance, fixée, après plusieurs reports, au 10 janvier 1945. Les généraux français et américains se rencontrent et décident notamment d'un bombardement en appui aux opérations terrestres. Lorsque l'opération Indépendance est annulée du fait de la contre offensive allemande dans les Ardennes, la décision de bombarder la ville, gérée par le seul SHAEF (Supreme Headquarters of Allied Expeditionary Forces - quartier général de l'état-major des forces expéditionnaires), est maintenue. Ce sera l'inutile bombardement du 5 janvier 1945.

LA CHAÎNE DE DÉCISIONS. De Larminat rencontre les généraux américains Devers et Ralph Royce du 3 au 6 novembre 1944 à Vittel. L'attaque qui devait s'effectuer avec 60 000 hommes est fixée au 10 décembre 1944 puis repoussée au 25 décembre. Un bombardement des positions ennemies est prévu. Cette demande de bombardement est relayée lors de la réunion des responsables des Forces aériennes stratégiques du SHAEF le 5 décembre en présence d'Eisenhower.
Le dimanche 10 décembre à Cognac, pour préparer ce bombardement, le général Royce rencontre le général Corniglion-Molinier. Il est question d'un appui tactique aux opérations terrestres prévues. De Larminat se joint quelques instants à la réunion. Ce rendez-vous et les objectifs définis pour ce bombardement seront au cœur des futures polémiques. Il est indiqué au général Royce, qui s'en inquiète, que les civils seront évacués le 15 décembre.
Le 12 décembre, Corniglion-Molinier et Royce rencontrent le général Bouscat, chef de l'armée de l'air pour coordonner les forces françaises et alliées. Le bombardement pourrait être effectué par des unités de l'armée américaine à l'entraînement. On mentionne l'appoint du Bomber Command de la RAF.
Le 13 décembre, Royce transmet au SHAEF la demande de bombardement qui sera gérée par le général Spaatz, responsable de tous les bombardements lourds contre les Allemands.
Le 14 décembre, l'opération Indépendance est repoussée au 10 janvier 1945.
Sur le terrain, l'attaque semble imminente. De Gaulle a obtenu que la 1re DFL (division Française Libre) soit retirée du front d'Alsace et elle est arrivée sur place dans le courant du mois de décembre.
Le 23 décembre, l'opération Indépendance est ajournée sine die du fait de la contre-offensive allemande dans les Ardennes mais le commandement américain, sans en référer à Royce ni à l'État-major français, maintient la décision de bombarder Royan.

 

 

 

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