Lis, Pierre - maire de Royan
Phnom Penh (Cambodge) ; 1913 - Royan ; 21/06/2006
Résistant, grand fonctionnaire, maire de Royan de 1979 à 1983, Pierre Lis est décédé le 21 juin 2006.
Par Philippe Belhache (Sud Ouest)
"Humaniste, attentif, d'une très grande courtoisie... Les qualificatifs ne manquent pas pour décrire l'homme de consensus, amoureux de sa région, de sa ville, de ses habitants, qu'était Pierre Lis. L'homme fut enseignant, combattant, Résistant, secrétaire de l'office régional des anciens combattants, directeur du cabinet de Tanguy Prigent, alors ministre des anciens combattants du gouvernement de Guy Mollet. Il fut aussi maire de Royan de 1979 et 1983, après la démission de Guy Tétard. Le père du célèbre journaliste Michel Lis est décédé dans la nuit de mardi à mercredi, il avait 93 ans. Sa disparition a choqué nombre d'anciens Royannais, même si beaucoup s'y étaient préparés depuis longtemp"..
« Pierre Lis était quelqu'un d'une intelligence rare, soupire son ami et ancien colistier Pierre Bouchet. Il souffrait de la maladie d'Alzheimer depuis une dizaine d'années. C'était la pire chose qui soit, pour un esprit aussi remarquable. C'était un grand personnage. Il a fait de grandes choses, après la Seconde Guerre mondiale. Des choses remarquables dont il ne se vantait jamais. Il était d'une grande modestie, se préoccupait réellement des gens ». Pierre Bouchet veut retenir le souvenir de l'homme qu'il était, du combattant, du Résistant, du bâtisseur.
Son parcours
Orphelin à l'âge d'un an, il est élevé par sa grand mère paternelle dans le petit bourg de l'Éguillle-sur-Seudre. De formation juridique, il entre dans l'enseignement en Charente-Maritime, nommé à Royan. La guerre bouleverse sa vie. Combattant dans les Tirailleurs Nord-Africains, décoré de la Croix de guerre, il est fait prisonnier en 1940. Blessé, il rentre en France en 1943. Vice-président du comité départemental de la libération clandestine, il participe à la libé ration de Saintes, il mene des missions dans la tristement célèbre Poche de Royan. Directeur départemental du ministère des Prisonniers, déportés et réfugiés, il devient secrétaire général de l'Office départemental des anciens combattants avant de prendre en 1948 des fonctions de directeur régional à Limoges, et en 1953 des responsabilités nationales à Paris. Sorti du cabinet Tanguy-Prigent, il est nommé Inspecteur général du ministère des Anciens combattants. Il prend sa retraite à Royan en 1974.
Pierre Lis accède aux fonctions de premier magistrat de Royan dans un contexte politique troublé. L'homme s'est investi très tôt dans la chose publique. « Il avait même été félicité par Tanguy Prigent pour qualité de la campagne qu'il avait menée contre Max Brusset », se souvient Pierre Bouchet. En 1977, les Royannais décident de ne pas renouveler leur confiance à Jean-Noël de Lipkowski, ancien ministre de la Coopération et maire de Royan depuis 1965. Le Conseil municipal porte alors à sa tête le géomètre Guy Tétard. Victime de ce que les témoins appellent aujourd'hui une « cabale politique », ce dernier s'efface deux ans plus tard. Pierre Lis devient maire de Royan à sa suite.
« Il a été mon adjoint aux relations publiques, se souvient Guy Tétard. C'était un homme d'une grande courtoisie, très accueillant. Il excellait lors des réunions importantes. Il a rendu d'énormes services à la ville de Royan. Son implication auprès des associations patriotiques était remarquable. Nous n'avions pas la même opinion sur tous les points. Mais nous nous étions rejoints sur le fait que le maire se devait d'être au service de la population, qu'il ne devait pas s'appuyer sur elle pour mener une carrière personnelle".
Guy Tétard regrette, avec le départ de Pierre Lis, la disparition d'un homme d'honneur. « Il était resté tel qu'en lui-même, comme il était avant la guerre. C'était un élu à l'ancienne. » Pierre Lis avait notamment à son actif la première grande extension du port de Royan, réalisée en 1982 « malgré une opposition farouche des écologistes » (1)
L'épouse de Pierre Lis est décédée il y a maintenant deux ans. Ils avaient eu trois enfants: le journaliste Michel Lis, ancien grand reporter à l'Équipe et à Paris Match, rédacteur en chef de Télé 7jours dans les années 80, plus connu pour ses interventions télévisuelles sous le pseudonyme de « Michel le jardinier » ; Danièle, qui mène une carrière de restauratrice, et Sylvette, installée comme orthophoniste. Des enfants dont il suivait, rappelle Pierre Bouchet, les succès avec fierté. Les obsèques de Pierre Lis seront célébrées ce mardi 27 juin à 10 heures au temple protestant de Royan.
(1) Notice de Guy Binot in « Le dictionnaire biographique des Charentais ». Éd. du Croît Vif, 2005.
Un hommage unanime
Les réactions au décès de Pierre Lis sont nombreuses. Le ministre de l'Agriculture Dominique Bussereau s'est montré très touché par cette disparition. « C'est un homme qui a marqué Royan par son extrême courtoisie, son urbanité, son sens de la discussion, du dialogue... Il est devenu maire à un moment difficile de l'histoire politique de la station balnéaire. Il a su remettre de la paix dans les cœurs et les esprits. Il m'avait uni à mon épouse en 1982. J'avais conservé avec lui des liens anciens et personnels.»
Le président de la Communauté d'agglomération Royan Atlantique, Jean-Pierre Tallieu salue en Pierre Lis un homme « d'une grande culture laïque. » « Son passage à la mairie de Royan a marqué une période où la gestion municipale était poussée au maximum, commente le maire et conseiller général de La Tremblade. Il faisait plus de gestion que de politique ».
Pour le maire de Royan, Henri Le Gueut, c'est un modèle qui disparaît. « Je n'ai pas été élu en même temps que lui, mais nous l'avons tous connu, se souvient-il. C'était un grand humaniste, un homme très proche de sa ville. Nous avions tous beaucoup d'estime pour lui. Il était très intelligent, d'un grand tact. Il formait une très belle équipe avec des gens comme Tétard ou Dufour. Ils ont travaillé sur la ville de façon formidable. Il est pour moi un maître ».
De même, Philippe Most, qui fut maire de la commune durant 17 ans, salue l'homme d'exception que fut Pierre Lis. « C'était un homme d'une grande culture, d'une grande efficacité tant dans la vie publique que dans ses fonctions municipales. C'était un homme de conciliation et de réconciliation. Il était un fervent partisan du rapprochement avec l'Allemagne alors qu'il avait eu à souffrir de la guerre. Il a beaucoup fait pour le jumelage avec Balingen. Il avait cette faconde, ce sens des relations humaines qui lui faisait toujours trouver le mot juste. Il a beaucoup fait pour le développement de la vie associative royannaise. Pierre Lis écrivait beaucoup. Il avait réalisé des ouvrages, des recueils de poèmes et un livre sur l'Indochine dont il m'avait offert un exemplaire. C'était un homme de cœur et un homme d'esprit ».
En savoir plus : Les Maires de Royan
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