Jaques Bessières
... on s'amuse en travaillant avec un Macintosh et c'est bien là l'un des ses atouts...
Fatal error ?
Voici comment le Macintosh peut contribuer à infléchir une carrière professionnelle.
Lorsque Macintosh est apparu au printemps 1984, j'ai fait partie, en tant que responsable de l'organisation et de la bureautique d'une société du secteur parapublic, des quelques personnes invitées à Courtaboeuf à l'une des journées professionnelles de présentation.
Je me souviens encore des "Oh" d'étonnement de l'assistance lorsque Bruno Rives a cliqué dans la pomme pour feuilleter les pages du calepin !
A l'issue de la journée de présentation, je me trouvai dans le même état d'esprit que mes parents qui, en sortant du salon de l'auto en 1955, avaient versé des arrhes à Citroën pour pouvoir acheter l'une des premières DS19. Ce soir-là, je quittai Courtaboeuf en ayant réservé un Macintosh pour mon compte personnel.
Je pris possession de la machine deux mois plus tard et je passai quelques soirées à bien maîtriser MacWrite et MacPaint.
Une semaine après, j'amenai le Macintosh au bureau. Fatal error !
C'est évidemment ma secrétaire qui fut la première intriguée : pour la première fois elle utilisait une machine de traitement de texte qui lui permettait de voir à l'écran ce qu'elle allait obtenir sur sa feuille de papier! Pas normal, ça.
Radio tam-tam fonctionna et pendant toute la journée ce fut le défilé dans mon bureau. Dans la soirée, l'un des directeurs de la société arriva.
"Alors Bessières, on s'amuse ?" Classique.
Dans ces cas-là, il y a deux attitudes possibles : la raisonnable qui consiste à faire semblant de ne pas avoir entendu et à montrer l'utilité de sa découverte : souris, menus déroulants, pas de commandes à apprendre, gains de productivité attendus, etc. La seconde, plus impertinente, consiste à répondre quelque chose du style : Eh oui, Monsieur, je suis l'une des rares personnes qui arrivent à s'amuser en travaillant !"
C'est dans cet esprit que je répondis ce soir là. Je dois avouer que je ne suis pas certain d'avoir convaincu mon interlocuteur. Et pourtant, ce directeur avait raison : on s'amuse en travaillant avec un Macintosh et c'est bien là l'un de ses atouts.
L'enthousiasme initial passé, j'allai de découvertes en découvertes: ThinkTank bien sûr, puis Macproject dont j'avais pu obtenir une pré-version. Il était inutile d'aller plus loin : le Macintosh allait devenir un outil fantastique pour l'entreprise.
Je proposai d'infléchir le schéma directeur bureautique : suppression des nouvelles acquisitions de machines à écrire, arrêt de l'utilisation systématique de terminaux reliés à l'ordinateur central pour faire du traitement de texte, modification profonde du plan de formation axé non plus sur l'apprentissage de commandes liées à un matériel donné, mais centré désormais sur la créativité individuelle que permet le Macintosh.
Intéressant, intéressant, m'a répondu le service informatique ! Mais rien ne s'est concrètement passé.
J'ai laissé de côté mes responsabilités en organisation et en bureautique. Je suis désormais consultant chez Apple.