La carrière bordelaise
Un réseau de salles dans le sud-ouest de la France
Bien qu'installé au casino et dans ses studios de Royan, Couzinet n'a jamais perdu de vue ses ambitions d'entrepreneur du cinéma, dans tous les aspects de cette industrie. Il veut toucher le plus de public possible, tout en maîtrisant l'ensemble de la chaîne cinématographique. C'est ainsi qu'il se lance à la conquête de salles, en gestion ou en propriété, dans tout le sud-ouest de la France. Il crée alors un réseau, et un circuit tout trouvé pour sa société de distribution de films Gallia Cinéi.
Il dirige ainsi en 1928 le Gallia-Palace à La Rochelle, puis, dès 1930, le Gallia-Select à Toulouse, le Gallia-Palace et le Select-Cinéma à Agen. En 1932, il obtient sa revanche à Saintes en reprenant cette fois sans difficulté le théâtre municipal, et en y créant une salle de cinéma : le Gallia-Théâtre.
Une guerre sans pitié à Bordeaux
Son réseau irrigue alors une grande partie du sud-ouest, sauf Bordeaux, pourtant le plus grand centre urbain de la zone. C'est ainsi que débute ce qui a été appelé « la guerre des barrières » entre Couzinet, voulant s'installer à Bordeaux, et ses concurrents déjà en place, Bonneterre et Sédard. C'est une surenchère de salles, souvent à quelques centaines de mètres les unes des autres, situées aux portes du centre-ville, les fameuses « barrières ».
Couzinet gère tout d'abord l'Intendance, en centre-ville, dès 1931. Puis il rénove la salle rue Sainte-Catherine, rebaptisée le Comoeac. Il acquiert ensuite le Gallia-Palace, près de la place de la Victoire. Pour répliquer au Florida de ses concurrents, il construit le Luxor, à la barrière Judaïque, dans un esprit Art déco très contemporain. Bonneterre et Sédard poursuivent avec le Tivoli. En 1932, Couzinet renchérit avec le Rex, une « salle atmosphérique », ornée de grands décors qui plongent les spectateurs hors du temps bien avant que le film ne commence. La guerre des salles bordelaises cesse en 1936.
Les studios « Côte d'Argent »
Couzinet achète le château de Tauzin et son parc de deux hectares, près de la barrière Saint-Genès, et y crée les studios bordelais de la Côte d'Argent. Ils sont plus grands et plus modernes que ceux de Royan, au plus proche du savoir-faire hollywoodien : des plateaux de 300 m², 700 m² et 1 000 m², une piscine pour les prises de vues subaquatiques, des ateliers de fabrication des décors, des salles de montage et de projection, des chambres pour les comédiens, et une grande cantine, où l'on mange plutôt bien, d'ailleurs ! L'inauguration a lieu le 22 juillet 1946. Toutes sociétés confondues, Couzinet emploie à l'époque 140 personnes.
Les tournages reprennent dans la foulée, avec « Hyménée », pièce comique à succès d'Édouard Bourdet.
En cette période d'après-guerre, la production française est concurrencée par les Américains. Le paysage cinématographique commence à changer, mais Couzinet a encore quelques belles années devant lui pour réaliser une quinzaine de films comiques et populaires, tous tournés dans les studios bordelais, avec quasiment la même équipe technique et les mêmes comédiens.
N'oublions pas qu'il est avant tout un homme d'affaires ; son cinéma doit se vendre, et donc, plaire au plus grand nombre. Il est le seul exploitant de cinéma français à avoir évolué vers la réalisation, alors que l'aspect artistique même de ses films ne l'intéressait pas. C'est ainsi qu'il s'est vu affublé par la critique de l'étiquette d'« étalon d'or du navet » ! On lui reproche la médiocrité de ses scenarii et de sa réalisation. Son but n'est cependant pas de plaire à la critique, mais au public populaire du samedi soir ! En cela, il a parfaitement réussi son entreprise, proposant un divertissement simple et drôle, dans des salles confortables et modernes.
Sa devise ? « On y rit ? On ira ! » Toujours d'actualité....