Souvenirs
Détail de l'arrivée des touristes à Cordouan. Photo Philippe Souchard.
Quel souvenir rapporter de vacances à Royan si ce n'est une reproduction du phare de Cordouan ? Phare mythique, à la fois si proche et si lointain, Cordouan ne peut que susciter curiosité et fascination. Il est reproduit sous toutes les formes et dans les matériaux les plus divers, les plus inattendus et les plus improbables. Certains de ces objets sont de véritables prouesses d'artisanat populaire. La forme du phare se prête particulièrement bien à la conception de lampes, veilleuses, briquets ou pendules, mais on la retrouve également sur des jeux d'enfants, éventails, cendriers, bouteilles musicales, thermomètres ou salerons ! Ils ne reproduisent pour la plupart que des modèles assez simples, de forme éloignée de l'architecture du « Versailles de la mer ». Ils n'ont aucune vocation à représenter la réalité, mais adoptent une forme stylisée, un tronc conique surmonté d'une lanterne. Ces souvenirs racontent de façon romantique la vie du gardien, souvent figuré au travail ou au pied des escaliers menant au phare.
Assiette de Creil et Montereau.
Collection Bernard Rubinstein, photo Jean-Marie Liot.
Les ateliers de Villenauxe et de L'Isle-Adam produisent des sujets balnéaires en terres cuites glaçurées à froid. Le catalogue de ces manufactures propose des phares déclinés en plusieurs tailles, avec ou sans personnage ; le Gardien vigilant, modèle très reproduit, est réalisé à partir de moulages de sculptures des artistes Le Guluche et Alfred Foretay.
Une production se développe à Vallauris, parallèlement à celle d'objets d'art marquée dans les années 1950 par la présence de Picasso. Souvenirs de vacances sur la Côte d'Azur, ils se retrouvent sur le littoral Atlantique. Ces phares aux couleurs éclatantes réalisés par l'entreprise Morino sont peuplés d'aquariums imaginaires. Extérieur et intérieur deviennent supports de rêverie, au risque d'une surenchère décorative propre au kitsch.
Au sein de cet univers, la boule à neige tient une place centrale en raison de la poésie qui se dégage du sujet enneigé. Pièce incontournable des magasins de souvenirs, elle apparaît lors de l'exposition universelle de Paris en 1878 et sera produite par de nombreux fabricants, notamment les Etablissement C&Cie qui se développent après 1945. Ils consacrent un modèle au phare de Cordouan, surmonté d'une boule en forme d'œuf sur socle carré en verre et plastique.
Ces souvenirs étonnants, tenant une place à part au sein des bibelots rapportés de vacances à la mer, font l'objet de collections et d'études et connaissent un réel renouveau d'intérêt depuis les années 1980. Témoins de l'engouement suscité par le phare de Cordouan, ils marquent la volonté de faire sien ce monument hors normes. Kitsch ? De mauvais goût ? Ridicules ? La valeur de ces phares est souvent plus sentimentale qu'artistique en raison du caractère semi-industriel de leur production. Mais, il est indéniable, comme l'écrit Edgard Morin, qu'ils permettent de « s'approprier magiquement » la station balnéaire et son emblématique monument Cordouan, le Roi des Phares.
En savoir plus : Cordouan Roi des Phares de Frédéric Chassebœuf aux Éditions Bonne Anse.