Le ravitaillement du phare en 1982.
Photo Association pour la Sauvegarde du Phare de Cordouan.

Cordouan est un exemple unique de la succession ininterrompue, depuis le XIV^e siècle, de générations de gardiens qui ont assuré le fonctionnement du phare. L'histoire de ces « prisonniers volontaires » débute avec les deux  mystérieux ermites de la tour médiévale qui « alimentent le fanal pour la sûreté des vaisseaux » tout « en vaquant jour et nuit en oraisons envers Dieu ». Avec la nouvelle tour, vient le temps des « gardes », de un à quatre, dont le statut se régularise progressivement : choisis par le commissaire des classes de Royan, originaires des paroisses saintongeaises de l'estuaire, ces anciens marins ou artisans sont recrutés après enquête de moralité et pour leurs compétences professionnelles. Hommes à tout faire, ils doivent, avec l'installation des nouveaux modes d'éclairage, avoir des notions de serrurerie puis d'horlogerie. Ils deviennent fonctionnaires et agents des Ponts et Chaussées à partir de 1853, souvent anciens inscrits maritimes, avant de passer dans les années 1930 par l'école des gardiens de phares de Brest avec le grade d'électro-mécanicien puis de contrôleur des phares et balises, reconnaissance de l'évolution technologique du métier. 

Le travail à Cordouan est défini par des règlements très stricts : la priorité est toujours le service du feu selon des horaires rigoureux. L'approvisionnement en combustible, la préparation du foyer, son entretien, la surveillance nocturne, rythment la vie des gardiens, sans compter le nettoyage, les réparations dans un phare où ils restent isolés de longs mois. À partir du XIX^e siècle, la belle saison voit l'afflux des visiteurs, occasion pour les estivants d'une petite aventure maritime et de la découverte des « braves gardiens », transformés progressivement en véritables « gardiens du patrimoine ». 

La vie à Cordouan est d'abord marquée par l'isolement quasi absolu pendant la mauvaise saison :
« deux ou trois mois sans recevoir aucun secours de la terre ferme » selon l'ingénieur Masse au début du XVII^e siècle, avec un simple système de signaux de fumée ou de pavillons. Descendre à terre est longtemps une simple tolérance, à tour de rôle, au printemps « pour se rafraîchir ».

Le régime s'assouplit progressivement : trois mois au phare et un mois à terre à partir de 1849, puis le rythme de 42 jours à Cordouan et 14 jours de repos, avec l'incertitude de la relève, toujours risquée et aléatoire. La vie quotidienne reste très rude : alimentation longtemps calquée sur le régime des marins du roi avec des réserves pour plusieurs mois complétées par les produits de la pêche tandis que l'eau provient d'un réseau de récupération sur les galeries. Jusqu'à la construction en 1854 des logements actuels, les gardiens sont cantonnés dans de véritables réduits dotés de l'équipement domestique minimum, comme le montre l'inventaire des meubles et effets de 1792. Si les éléments de confort modernes entrent progressivement dans la vie des gardiens dans la seconde moitié du XX^e siècle, vivre à Cordouan est toujours un sacerdoce.

Serge Andron
Le dernier gardien de phare de Cordouan.

Serge Andron, dernier gardien de phare en mer des côtes françaises quittera Cordouan en 2011. Travaillant à Cordouan depuis 1980, il a connu les évolutions du métier de gardien de phare en mer depuis le Cordouan de la TSF, des quarts de nuit, jusqu'au relatif confort des années 2000. Il a vécu les aléas du phare, menacé d'abandon dans les années 1980, puis devenu coqueluche des médias où défilent le show-bizz et les « people » qu'il observe avec humour et malice. Serge Andron est l'homme de Cordouan, avec beaucoup de pudeur et de réserve où il est chez lui, conscient de vivre dans un site extraordinaire, dernier maillon de la chaîne des gardiens qui ont fait tourner le phare depuis le Moyen-Âge.

En savoir plus : Cordouan Roi des Phares  de Frédéric Chassebœuf aux Éditions Bonne Anse.