Faites vos jeux
la colonie de Pontaillac, si aristocratique, si difficile en matière de plaisirs permis et de distractions autorisées par une saine morale, sera la première à s'y donner de quotidiens rendez-vous.
La Restauration, années 1900.
Si certaines stations balnéaires attirent leur clientèle en arguant des bienfaits de leur microclimat pour la santé, d'autres misent sur l'image de la distraction et des jeux. C'est le cas de Royan, où trois casinos voient le jour entre 1844 et 1895, entraînant dans leur sillage la création d'autres établissements de jeux, comme celui de la Grande Côte. À Pontaillac, la tradition du jeu s'installe dès la fin du XIXe, avec la création du Kursaal, puis de l'Otrada, avant l'ouverture, en 1902 de la Restauration.
Le Kursaal, un premier cercle de jeux à Pontaillac
Certaines sources mentionnent qu'un premier cercle de jeux est créé en 1880 par vingt-deux actionnaires dans les salons du Grand Hôtel de l'Europe. Concurrençant le casino de Foncillon, ce cercle aurait été fermé en 1882. Mais il semble renaître de ses cendres par la suite, car Le Petit Royan, gazette semi-quotidienne des baigneurs, annonce son inauguration le lundi 3 août 1891. On y apprend que l'établissement « a été aménagé avec le meilleur goût », si bien que « la colonie de Pontaillac, si aristocratique, si difficile en matière de plaisirs permis et de distractions autorisées par une saine morale, sera la première à s'y donner de quotidiens rendez-vous ».
L'Otrada ou l'apparition des petits chevaux sur la plage
En 1892, la reconstruction des cabines de bains, qui sont organisées de façon plus rationnelle sur la plage, entraîne l'aménagement d'une buvette nommée l'Otrada. Le Petit Guide pratique du Sud-Ouest de 1900 précise que « vers cinq heure du soir, c'est une quasi-obligation pour le Royan select de venir exhiber ses toilettes et son snobisme aux alentours de l'Otrada, sorte de café-restaurant construit en bois, où on trouve les distractions les plus variées, y compris un jeu de petits chevaux », qui est en réalité un jeu d'argent.
La Restauration, ancêtre de l'actuel casino
Détruit par un spectaculaire incendie dans la nuit du 11 septembre 1901, l'Otrada fait place, dès l'année suivante, à un établissement moderne nommé la Restauration. La Gazette des Bains de Mer apprend que « ce terme, que vous chercheriez en vain dans les Littré et les Larousse, indique évidemment un lieu où l'on se restaure ». On s'y installe soit à la terrasse, où l'on absorbe volontiers « des bocks ou des apéritifs », soit à l'intérieur, où l'on « savoure un repas délicat ». Mais les « amis du tapis vert » viennent également y jouer aux petits chevaux, tandis qu'une jeune américaine blonde, « un peu peinte », cherche la martingale, « enregistrant les gagnants dans un savant logarithme ».
Un concours aux dés pipés !
C'est à l'occasion de la reconstruction de la Restauration qu'un grand concours d'architecte est lancé par la Ville de Royan, en 1902. Le jury, qui doit départager trente-quatre projets, ne décerne aucun premier prix, si bien que c'est l'ingénieur des Ponts et Chaussées Paul Alexandre qui est chargé du chantier. En s'appuyant sur le programme qui avait été imposé aux concurrents, et qui prévoyait la réalisation d'un « édifice élevé sur piliers à trois mètres au-dessus du niveau moyen de la plage », auquel on devait accéder par une « passerelle horizontale non-couverte, longue de quarante mètres environ », il réalise un véritable tour de force, en élevant la Restauration en quelques mois seulement.
En savoir plus : La Saga des Bains de Mer de Guy Binot
et Royan Atlantique à l'affiche de Pierre-Louis Bouchet aux Éditions Bonne Anse.