Seconde guerre mondiale
C'était en effet le film d'un exercice de débarquement à Pontaillac, comme ils en ont tant effectués cet été, mais le commentateur le faisait passer pour un débarquement réel en Angleterre.
Entraînement de l'armée allemande sur la plage de Pontaillac.
Décrit depuis sa fondation comme un petit paradis des mieux fréquentés chaque été, le quartier de Pontaillac va vivre les heures les plus sombres de son histoire de 1940 à 1945. Certes, il a échappé, en grande partie, aux bombes qui ont réduit à néant le centre-ville, mais il est ressorti meurtri par les tirs d'obus qui ont entraîné la destruction de témoins remarquables de la Belle Époque, comme Grisidélis, Les Tamaris, Figaro ou Pâquerette.
Le temps de l'occupation et des humiliations
Conséquence de l'armistice du 22 juin 1940, Royan fait partie de la zone occupée qui englobe la Presqu'île d'Arvert. Dès le 24 juin, la 44e division de la Wehrmacht se déploie à Royan. Si la Kommandantur est installée à Foncillon, les officiers occupent Pontaillac, où le Golf-Hôtel est réquisitionné pour accueillir dignement l'amiral Von de La Ferrière, commandant de la Kriegsmarine, et le Sporting est converti en restaurant militaire. Malgré l'appel que fait placarder la municipalité dans toute la ville, invitant « la population de Royan, ville ouverte, à observer la correction la plus absolue dans l'intérêt général », les premiers actes de résistance se font sentir. Dès juillet, la liaison téléphonique Royan - La Rochelle est sabotée. Le 15 août 1940, la mort d'une sentinelle allemande devant le Golf-Hôtel entraîne la démission du maire, Georges Vaucheret. La ville est condamnée à verser une amende de trois millions de francs et, peu après, les plages sont interdites « aux chiens, aux juifs et aux Français ».
L'organe de commandement d'une chaîne défensive
La construction du Mur de l'Atlantique, qui débute en 1942, confirme le rôle stratégique de la place de Royan. À cette occasion, trois blockhaus voient le jour à Pontaillac, autour du Golf-Hôtel. L'un abrite le Commandement des Transmissions, le deuxième est affecté à l'Officier des Transmissions de la Marine et le troisième doit servir de refuge au Contre-Amiral Michahelles. Un réseau de souterrains les relie à la villa Les Tamaris et offre une sortie dissimulée sur la falaise. Dans le même temps, un autre blockhaus est édifié à l'entrée de la villa Castel-Joli.
Le symbole d'une dignité retrouvée
Alors que Rochefort, Saintes ou Bordeaux sont libérées dès l'automne 1944, Royan, devenue une « poche », reste aux mains de l'occupant, ce qui entraîne le tristement célèbre bombardement du 5 janvier 1945, qui anéantit le centre-ville. À la Libération, quelques mois après, c'est à Pontaillac que la vie reprend. Le quartier retrouve le rôle moteur qui avait été le sien du temps de Jean Lacaze. Des administrations s'y installent. Une antenne du M.R.U (Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme) prend possession de l'élégante Marquisette ; le Golf-Hôtel - ancien palace - distribue des soupes populaires ; Semida accueille le Groupement pour la Reconstruction de la Charente-Maritime, et les services municipaux investissent Les Pins jusqu'en 1955, lorsqu'ils sont transférés dans les bâtiments restaurés qu'ils occupent encore aujourd'hui.
Journal d'un jeune Royannais
juillet 1940-juillet 1941 par Pierre Abadie
Pierre Abadie de Madières est né à Royan et revenait tous les étés dans sa villa de Pontaillac. Il a écrit un journal tout au long de sa vie, commencé au début de l'Occupation. En voici quelques extraits.
- « Le 23 juin : il y a un an, les Allemands entraient dans Royan. Je me souviendrai toujours. [...] il était environ quatre heures et demie de l'après-midi. [...] Tout à coup, bruit de moteur, une auto passe. Maman se dresse, pâle, tremblante ; elle dit : « ce sont eux ». [...] j'aperçois les premiers Allemands que je vis jamais : sur une moto, deux hommes en imperméable gris, avec leurs casques et leurs équipements. Celui qui ne conduisait pas fait un signe, en se retournant vers d'autres que je ne vois pas encore, car ils sont en haut de l'Avenue de Paris ; il crie quelque chose. Cet homme, j'ai toujours sa silhouette dans les yeux ; il me semble énorme, affreux, un personnage de cauchemar. »
- « Hier, le temps était splendide ; les Allemands se sont baignés et on les vit, le torse nu, sur la plage de Pontaillac. Mademoiselle C., une camarade de classe, m'a raconté que sa petite sœur avait vu, vendredi, un Allemand prendre un bain de soleil, en slip, dans son jardin ; mais un de ses collègues, d'une fenêtre de la villa, lui a jeté un seau d'eau, et ce fut, paraît-il, très drôle. Comme il fait très beau en ce moment, toutes les fenêtres sont ouvertes ; nous entendons, s'échappant des villas occupées, des musiques de T.S.F. et autres bruits harmonieux... »
- « Et voici une histoire très drôle, qui montre combien les occupants nous bourrent le crâne. Au cinéma de Royan, sont régulièrement présentées des actualités. [...] Il y a quelques jours, on projeta un prétendu débarquement des Allemands en Angleterre, et, soudain dans la salle, des soldats crièrent joyeusement : « Pontaillac ! Pontaillac ! » C'était en effet le film d'un exercice de débarquement à Pontaillac, comme ils en ont tant effectués cet été, mais le commentateur le faisait passer pour un débarquement réel en Angleterre. »
En savoir plus : Royan 39-45 Guerre et plage Tome 1 et Royan 39-45 Guerre et plage Tome 2 aux Éditions Bonne Anse.