Les lieux du festival
Introduction
Maurice Fleuret, Un Cyclotron en folie, Le Nouvel Observateur - 7 avril 1969 : « Au Casino de Royan, la force centrifuge de la nouvelle école bouscule un auditoire enthousiaste. Dans la douceur moite de l'avril atlantique, au rythme des grandes marées qui découvrent les sables, Royan vit des heures de vertige. La ville reste vide et la plage déserte mais, entre les deux, l'étrange Casino circulaire tourne jour et nuit comme un grand cyclotron en folie. La force centrifuge de la nouvelle musique y bouscule sans égard l'épouse du Premier Ministre, un lot de diplomates, quelques jeunes gloires du régime, l'indispensable contingent de silhouettes parisiennes, une quantité de compositeurs venus de l'Est comme de l'Ouest, une soixantaine de journalistes accourus de partout, des éditeurs de partitions et de disques à l'affût des derniers succès, les uns et les autres complètement perdus dans la foule d'une jeunesse insolente et gaie, plus ou moins chevelue, mais en tout cas bien décidée à ne pas bouder son plaisir.
Les pronostics les plus optimistes sont dépassés, toutes les salles se révèlent trop petites, et l'an prochain les concerts devront émigrer si le public ne veut pas être asphyxié. Vingt-trois jours avant l'ouverture de ce sixième Festival International d'Art Contemporain, la quasi-totalité des abonnements étaient vendus. [...] »
Le Casino
Le cœur du Festival
Le Casino Municipal était le lieu de spectacle le plus important de Royan, ayant accueillit les vedettes de variété (Johnny Hallyday, Sylvie Vartan, Les Compagnons de la Chanson), aussi bien que les plus grands musiciens et compositeurs de musique contemporaine. Le lieu fut en effet au cœur du Festival d'Art Contemporain de Royan, se révélant un acteur incontournable du rayonnement culturel de la ville.
Ce Casino a succédé à ceux qui ont fait la renommée de Royan avant la Seconde Guerre Mondiale. Il doit son originalité à Claude Ferret, Adrien Courtois et Pierre Marmouget, architectes de la Reconstruction à Royan. Commencé en octobre 1954, il est inauguré le 30 août 1961. Ce sont des problèmes d'entretien, conjugués à des difficultés financières et administratives qui mèneront à sa fermeture progressive, puis à son abandon. Il sera finalement détruit en 1985.
Le site
Le Casino était un centre aussi bien spirituel que géographique, comme l'indique Gilles Ragot dans son ouvrage de référence sur l'architecture de Royan (dir. Gilles Ragot, L'invention d'une ville - Royan années 50, Les Cahiers du Patrimoine, éditions du Patrimoine - Monum' - 2003) :
« Véritable cœur de la vie estivale, il joue dans le plan de la cité le rôle d'une articulation majeure. [...] L'édifice est tourné vers l'est et le centre-ville, sur lequel il s'ouvre par une entrée monumentale, constituant ainsi à la fois le point d'orgue de la composition du Front de Mer et la rotule urbaine entre la Grande Conche et la Pointe de Foncillon. »
La conception architecturale
Elle s'inspire de l'école d'architecture brésilienne qui a fortement influencé les architectes de la Reconstruction à Royan à partir de 1947, suite à la parution de la première revue d'architecture depuis la guerre : L'Architecture d'aujourd'hui. Cette revue présentait notamment la station balnéaire de Pampulha, au Brésil, conçue par les architectes Oscar Niemeyer et Lucio Costa dans les années 30. Les travaux de Le Corbusier ont très probablement aussi influencé la conception du Casino. Gilles Ragot résume l'esprit de l'époque ainsi :
« En architecture, comme en urbanisme », affirmait Le Corbusier, « tout est circulation [...]. L'architecture, comme la musique, se découvrent dans le temps [...]. Au-delà des trois dimensions conventionnelles, une quatrième dimension, celle du temps, manifeste l'interaction de l'homme et de l'architecture [...]. La notion même de composition s'efface au profit de celle d'assemblage ; l'idée de façade principale disparaît devant celle d'enveloppe. Il n'existe plus de points de vue privilégiés, à l'intérieur comme à l'extérieur des édifices. L'architecte doit prendre en compte tous les points de vue générés par l'utilisateur en mouvement. »
Voici les recommandations de Pierre Dalloz, chef du service de l'Architecture au Ministère de la Reconstruction et de l'Urbanisme lors de l'élaboration du projet du Casino :
« [...] Architecture ouverte, grands pans de verre, menuiseries nerveuses, joints de construction métal ou béton armé peu coûteux. [...] Traiter le Casino dans un esprit de confort et de simplicité accordé aux désirs d'une clientèle jeune et sportive, de renoncer aux volumes théâtraux, aux dorures et à toute redondance architecturale. [...] »
Le plan
Le Casino rassemble en un même lieu plusieurs fonctions, possédant chacune une forme architecturale distincte.
Exemple de « l'architecture organique », c'est bien l'assemblage de ces formes qui crée la modernité et l'originalité du lieu.
« Le Casino est un organisme complexe où chaque corps du bâtiment abrite une fonction identifiée par une forme architecturale autonome [...]. L'édifice s'articule autour d'une rotonde, ceinte d'une galerie sur laquelle viennent s'accrocher le baccara et le restaurant, un dancing, un petit théâtre, une grande salle de cinéma. Une longue aile courbe périphérique abritant des services administratifs et des appartements assure une liaison extérieure à cet ensemble désarticulé et offre une façade continue et ondulante sur la ville, face au Front de Mer. » (in dir. Gilles Ragot, L'invention d'une ville - Royan années 50, Les Cahiers du Patrimoine, éditions du Patrimoine - Monum' - 2003).
Le décor
Le Casino dans son ensemble a subi l'influence de l'architecture brésilienne, y compris dans le choix d'imposer la couleur aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur du bâtiment. La gamme dominante était composée des couleurs jaune, bleu et rouge vifs. Le plafond de la rotonde l'a exclusivement utilisée, certains éléments, comme les colonnes, restant blancs. Les cases vides des claustras qui entouraient la rotonde et se poursuivaient à l'extérieur, reprenaient ces couleurs, ainsi que le bar du Casino, Le Grand Pavois.
Les autres lieux du Festival
Montage du concert Historia Natural de Luis de Pablo
dans l'Abbaye de Sablonceaux, 1973
Certaines manifestations se sont occasionnellement déroulées ailleurs.
Soit à Royan, dans l'église Notre-Dame, au Palais des Sports, au Palais des Congrès, au port, sur la plage et au Temple.
Soit plus loin, au Château de la Roche-Courbon, aux Haras de Saintes, dans l'église de Talmont-sur-Gironde, au Château du Douet, dans l'abbaye de Sablonceaux et à Arces-sur-Gironde.
En savoir plus : Festival International d'Art Contemporain de Royan 1964-1977 de Henri Besançon aux Éditions Bonne Anse.