Les compositeurs

Les grands maîtres de la musique contemporaine à Royan. Précurseurs et icônes...

Naissance de la musique dite « contemporaine »

Percussions de Strasbourg Percussions de Strasbourg

Bien que toute musique soit par essence contemporaine au moment où elle est créée, ce terme est actuellement utilisé pour désigner les différents courants apparus après la Seconde Guerre Mondiale, et ayant en commun une remise en cause radicale des fondements de la musique établis depuis le XVIIe siècle, appelés « système tonal ». Après la guerre ressurgissent d'abord avec éclat les œuvres de Schönberg, Berg et Webern, interdites par le fascisme ; on découvre avec elles les principes de la musique sérielle, qui renouvelle l'harmonie et la mélodie en utilisant une suite de sons préétablie et invariable, la « série ». Dans le même temps, Bartok, Debussy, Strawinsky et Satie repoussent le champ d'expérimentation du rythme et de ses modalités. En France, René Leibowitz, pianiste, puis Olivier Messiaen, donnent l'impulsion au renouveau musical, permettant une multitude de voies de recherche, du sérialisme à l'électroacoustique. Très vite, les compositeurs se heurtent en effet aux limites héritées du XIXe siècle. Seuls les bouleversements occasionnés par l'apparition des techniques électriques, électroacous­tiques puis informatiques, leur permet de s'affranchir du passé.

Edgar Varèse est l'un des précurseurs dans ce domaine, intégrant très tôt des instruments électroniques et mêlant des bruits industriels dans ses œuvres. Les représentants de ces techniques en France sont Pierre Schaeffer et Pierre Henry, qui fondent le G.R.M. (Groupe de Recherche Musicale) au sein de l'O.R.T.F. (Office de Radiodiffusion et Télévision Française), où ils tentent de mettre en œuvre ce qu'ils théorisent comme la musique concrète (enregistrement et arrangement de sons sur un magnétophone pour créer de la musique, en opposition au travail direct avec un orchestre), ouvrant la voie à la création de multiples laboratoires en Europe, à la fin des années 50. Parallèlement, un courant musical important se développe aux USA avec John Cage, Steve Reich (musique répétitive...) et la création musicale s'ouvre à des champs pluridisciplinaires avec le concept de spectacle total.

Olivier Messiaen

Olivier Messiaen

Né en 1908 en Avignon, il meurt en 1992 à Paris. À onze ans, il entre au Conservatoire de Paris où il obtient cinq premiers prix. En 1931, il devient organiste à l'Église de La Trinité, où l'on se presse bientôt pour entendre ses improvisations. Il est nommé professeur d'Harmonie au Conservatoire de Paris, où l'on crée spécialement pour lui la classe d'Analyse, d'Esthétique et de Rythme en 1947. En 1966, il enseigne aussi la Composition. Après la guerre, il joue un rôle remarquable au sein de la fameuse école de Darmstadt, influençant plusieurs générations de compositeurs. Faisant partie du comité fondateur du Festival de Royan, il crée le concours de piano portant son nom et propulse ainsi nombre de jeunes musiciens sur la scène de la musique contemporaine. Il est aussi le compositeur dont le plus grand nombre de pièces (44) sont jouées durant toute l'existence du Festival...

Pierre Schaeffer

Pierre SchaefferConnu comme le père de la musique concrète, il est aussi un écrivain et un pionnier de la radio, notamment en tant que fondateur du service de la recherche de l'O.R.T.F., qu'il dirigea de 1960 à 1975. Chercheur, il mène une réflexion non seulement sur la communication audiovisuelle, mais aussi, et surtout, sur la musique ; à ce titre, son œuvre théorique est aussi importante que sa production musicale proprement dite. En 1944, il crée un studio consacré à l'expérimentation radiophonique, d'où va naître, après bien des tâtonnements, la musique concrète. Rejoint par Pierre Henry, il écrit plusieurs oeuvres en commun avec lui, notamment la Symphonie pour un homme seul (1949-50). En 1951, il fonde le Groupe de musique concrète, qui devient en 1958 le Groupe de Recherches Musicales (GRM), laboratoire de toutes les expérimentations, aboutissant à la remise en question de notions a priori évidentes comme la musique, l'écoute, le timbre, le son... Ce travail sera codifié dans le Traité des objets musicaux (1966). 

Luciano Berio

Luciano Berio naît en 1925 en Italie. Au conservatoire de Milan, il étudie la composition et la direction d'orchestre, puis suit les cours de Messiaen à Darmstadt. Certaines de ses premières œuvres comme Nones (1954) sont d'inspiration sérielle. En 1955, il fonde avec Bruno Maderna le Studio de phonologie de la R.A.I. (Radio et Télévision italienne) à Milan. C'est l'époque des premières découvertes électroacoustiques. À partir de 1960, il donne des cours à Darmstadt et dans de nombreuses universités américaines. Il s'intéresse aussi au rock et au folk, leur consacrant des essais et les mêlant dans le creuset de sa musique. Berio libère une expression musicale souvent affective, spontanée, immédiatement descriptive : murmures, cris, souffles, pleurs, bruissements, onomatopées attachées à la vie corporelle. Sa musique semble couler de source ; l'élégance de l'écriture en cache les complexités. Vingt-et-une de ses pièces ont été jouées au Festival de Royan.

Karl Heinz Stockhausen

Né en 1928, en Allemagne, Karl Heinz Stockhausen étudie le piano, la musicologie, la philologie au conservatoire et à l'université de Cologne, avant de suivre dès 1951, sous l'égide de Messiaen, les Cours d'été de Darmstadt où il enseignera deux ans plus tard. Membre fondateur du Studio de musique électronique de Cologne en 1953, professeur renommé en Allemagne comme aux USA, Stockhausen poursuit une intense activité d'interprète, de théoricien et de conférencier. Depuis 1977, il compose un cycle de sept opéras, Licht, portant chacun le nom d'un jour de la semaine. Le propre du génie de Stockhausen est de se remettre en question à chacune des étapes de son œuvre. Son art prend sa source aussi bien dans celui de Webern et celui de Messiaen que dans les premières manifestations de la musique concrète. Sur les 254 œuvres composées à l'heure actuelle, 18 ont été créées ou jouées au Festival de Royan.

Pierre Boulez 

Pierre Boulez est né en 1925 à Montbrison (Loire). Après des études en classe de mathématiques spéciales, il se tourne vers la musique en 1942 et s'installe à Paris où il sera admis, deux ans plus tard, dans la classe d'harmonie d'Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris. En 1946, il est nommé directeur de la musique de scène de la Compagnie Renaud-Barrault. Dès lors, sa carrière de compositeur s'affirme. En 1953 naissent les Concerts du Petit Marigny qui prendront l'année suivante le nom de Domaine Musical, dont il assurera la direction jusqu'en 1967.

En 1966, il dirige Parsifal de Wagner à Bayreuth, démarrant ainsi sa carrière de chef d'orchestre. Il prendra la direction de l'Orchestre philharmonique de New York de1971 à 1977, et parallèlement, celle du BBC Symphony Orchestra à Londres. En 1975, Michel Guy, secrétaire d'État aux Affaires culturelles, annonce la création de l'Ensemble Intercontemporain (EIC), dont la présidence est confiée à Pierre Boulez. À la demande du président Georges Pompidou, Pierre Boulez accepte ensuite de fonder et de diriger l'lnstitut de Recherche et Coordination Acoustique -Musique (IRCAM), qui ouvrira ses portes à l'automne 1977. Parallèlement, il s'associe à d'autres projets importants pour la diffusion de la musique, telles les créations de l'Opéra de la Bastille et de la Cité de la musique à la Villette.

En 1992, il quitte la direction de l'IRCAM pour se consacrer à la direction d'orchestre et à la composition. Nommé en 1976 professeur au Collège de France, il est également l'auteur de nombreux écrits sur la musique.

« Les enfants du Festival. Disciples et découvertes, la relève... »

Iannis Xenakis

Iannis XenakisIannis Xenakis naît en 1922 en Roumanie et décède en 2001 à Paris. Résistant de la Seconde Guerre Mondiale et condamné à mort, il devient réfugié politique en France en 1947. Il effectue ses études d'ingénieur et de mathématicien à l'Institut Polytechnique d'Athènes, puis des études de composition musicale avec Hermann Scherchen et au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris avec Darius Milhaud, Arthur Honegger et Olivier Messiaen. Collaborateur de Le Corbusier comme ingénieur et architecte de 1947 à 1960, il travaillera sur l'architecture du Pavillon Philips, (Exposition Universelle de Bruxelles, 1958), du Couvent de La Tourette (1955) et sur Chandigarh, en Inde. Un stage au G.R.M. en 1957 lui permet de se familiariser avec l'utilisation de l'électronique. Associant mathématiques et musique, il révolutionne la composition de musiques instrumentales, électroacoustique et par ordinateur.

Ses techniques de composition vont constituer le langage de l'avant-garde. Passionné par les relations entre espace, images et sons, Xenakis va composer, en pionnier, des pièces indissociables de leur espace et contexte de diffusion. Fondateur (1965) du Centre d'études de Mathématique et Automatique Musicales (CEMAMU), à Paris, et du CMAM, aux USA, il devient chercheur au CNRS à Paris en 1970 et Professeur à la Sorbonne jusqu'en 1989.

Percussions de Strasbourg 

Strasbourg, 1961... Six jeunes musiciens de formation classique -- Bernard Balet, Jean Batigne, Lucien Droeller, Jean-Paul Finkbeiner, Claude Ricou et Georges Van Gucht -- sont dans les rangs de l'Orchestre Municipal (sous la direction d'Ernest Bour) et de l'Orchestre de l'O.R.T.F. (sous la direction de Charles Bruck). Entreprenants dans le domaine de la création, les deux chefs programment de nombreuses pièces contemporaines (entre autres Pierre Boulez, Olivier Messiaen, Krzysztof Penderecki...).

La proximité de l'Allemagne, très active dans le domaine musical notamment au travers des festivals de Darmstadt et Donaueschingen et de la présence de Pierre Boulez à Baden-Baden, viendra marquer de façon déterminante la création des Percussions de Strasbourg en 1962. Rapidement, la formation suscite l'écriture d'un répertoire nouveau et se retrouve dédicataire des créations de Messiaen, Ohana, Xenakis, Mâche ou Dufourt... En 1967, les six percussionnistes interprètent, avec l'accord du compositeur, Ionisation de Varèse alors que la partition exige la participation de... treize percussionnistes. Là où l'on aurait pu voir la relève d'un défi, c'est la maîtrise musicale et le brio scénique qui s'imposent : l'interprétation est un succès et ouvre sa voie à un « groupe de genre » unique. 

Pierre Henry 

Pierre HenryPierre Henry naît le 9 décembre 1927 à Paris. C'est après un parcours des plus classiques au Conservatoire de Paris, avec Olivier Messiaen (harmonie) et Nadia Boulanger (composition) qu'il fait, en 1949, la rencontre décisive de Pierre Schaeffer, avec lequel il fonde le G.R.M.. Après avoir fondé son propre studio, Apsomé, il démarre une longue collaboration avec le chorégraphe Maurice Béjart (Messe pour le temps présent, 1967). Par sa fécondité, son goût de l'excès et son extraordinaire imagination, Pierre Henry est considéré comme l'un des plus grands compositeurs de musique électroacoustique de notre temps.

André Boucourechliev

Sa vie musicale commence en 1949 à Paris où il étudie avant d'y enseigner à son tour. Àparts égales compositeur et enseignant-théoricien, Boucourechliev qualifie doublement son parcours d'« autodidacte et à rebours de l'histoire ». C'est entre 1957 et 1959, à côtoyer quotidien­nement Luciano Berio et Bruno Maderna à Milan, que s'épanouit sa maîtrise de la composition. Et à l'inverse de ses contemporains, Boucourechliev commence par la musique électroacoustique pour apprivoiser progressivement les disciplines normatives de l'écriture musicale. Il participe aux grandes aventures de la musique contemporaine, dont le Domaine Musical. Cependant, même aux plus ardents moments du sérialisme, il n'utilise «jamais la moindre série, pas plus que rétrogra­dations ou renversements», affirmant que«I'atonalité est la seule grande nouveauté de ce siècle ». 

Sylvano Bussotti

Sylvano BussottiSylvano Bussotti naît à Florence en 1931. En 1940, il entre au conservatoire à Florence. Contraint par la guerre d'interrompre ses études, il poursuit sa formation en autodidacte. Aux rencontresd'Avignon, il découvre en 1956 Le marteau sans maître de Boulez, puis, en 1957, étudie à Paris auprès de Max Deutsch (qui a lui-même été élève de Schönberg à Vienne). Il rencontre Cage à Darmstadt en 1958. À cette époque son style évolue, passant d'une écriture sérielle à des partitions graphiques. On commence à jouer ses œuvres dans les festivals. Il devient le point de mire de l'actualité musicale internationale à la suite de la création de son opéra « la Passion selon Sade » au Festival de Palerme en 1965. Parfum de scandale qui fait découvrir un compositeur hédoniste, au langage graphique, mais surtout un grand homme de théâtre. L'essentiel de la carrière de Sylvano Bussotti à partir des années 1970 est d'ailleurs tournée vers le théâtre et le spectacle total plutôt que la composition, et entre autres de nombreuses mises en scènes et créations d'opéras contemporains.

Hugues Dufourt 

Hugues Dufourt est né à Lyon en 1943. Il fait des études de piano et de composition au Conservatoire de Genève. En 1968, il est responsable de la programmation musicale au Théâtre de la Cité à Villeurbanne dirigé par Roger Planchon, avant d'enseigner la philosophie à l'université Jean Moulin Lyon III (1968-1973), et de devenir l'un des responsables de l'ensemble Itinéraire à partir de 1975. Chargé de recherche au CNRS depuis 1977, il fonde cette année-là le Collectif de recherche instrumentale et de synthèse sonore (Criss), avec Alain Bancquart et Tristan Murail, puis en 1982 le Centre d'Information et de Documentation/Recherche Musicale (CIDRM), en 1985 l'Ensemble Forum à Lyon, en 1989 la Formation doctorale musique et musicologie du XXe siècle, avec le CNRS, l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), l'Ecole Normale Supérieure et l'IRCAM. Les œuvres de Hugues Dufourt ont été jouées dans les festivals internationaux et les grandes capitales du monde entier. Ses principaux écrits ont été publiés sous le titre Musique, Pouvoir, Ecriture (Christian Bourgois, 1991).

Jacques Lenot 

Né à Saint-Jean-d'Angély en 1945, Jacques Lenot revendique un parcours atypique : autodidacte et dévoué au seul processus créateur (« ni instrumentiste ni chef d'orchestre »). En 1992, lors d'une résidence de compositeur dans le Gers, sont créées ses 109 pièces pédagogiques pour orgue. Il écrit également ses Deuxième et Troisième Livres d'orgue. En 1997, il se consacre à l'écriture des pièces commandées par l'Orchestre national de Lyon et l'Orchestre symphonique et lyrique de Nancy, son premier quatuor à cordes, créé au musée Guggenheim de New York en décembre 1998, et enfin un premier opéra, commande du Grand Théâtre de Genève. À partir de 2000, les commandes institutionnelles abondent. Il vient d'achever un nouvel opéra pour le Grand Théâtre de Genève, J'étais dans ma maison et j'attendais que la pluie vienne, d'après Jean-Luc Lagarce (janvier 2007). Depuis la création, en 1967, de Diaphanéis au Festival de Royan, avec l'appui d'Olivier Messiaen, Jacques Lenot impose une écriture complexe, tourmentée, très pointilleuse dans le détail de la nuance, de l'attaque, du rythme. La virtuosité instrumentale y tient un rôle central et, de plus en plus, Jacques Lenot collabore avec les créateurs de ses œuvres pour en repousser encore les frontières. Pourtant, quel que soit leur degré d'abstraction, ses œuvres dévoilent un univers poétique d'une rare intensité.

Brian Ferneyhough

Brian FerneyhoughBrian Ferneyhough naît en Angleterre en 1943. Il joue dans les orchestres de fanfares avant de s'orienter très vite vers la composition. Il obtient les diplômes d'exécutant et d'enseignant à l'École de musique de Birmingham, et poursuit des études de composition et de direction d'orchestre à la Royal Academy of Music de Londres. La musique de Ferneyhough connaît une audience de plus en plus large dès que le compositeur s'installe sur le continent. Dès 1968, lauréat de nombreux concours de composition, il s'installe à Bâle pour y travailler avec Klaus Huber. Il enseigne la composition à Fribourg de 1973 à 1986, ainsi qu'à Darmstadt (cours d'été depuis 1976) et à Milan (à partir de 1984). Après avoir été le principal professeur de composition du Conservatoire royal de La Hague, il assume, depuis 1987, les fonctions de professeur de musique à l'université de Californie, San Diego. Depuis septembre 1990, il dirige la session de composition Voix Nouvelles à l'abbaye de Royaumont, et à partir de janvier 1993, il est invité en résidence à l'IRCAM pour y enseigner la composition. Invité d'honneur du Festival d'automne 2006 à Paris, son œuvre y est célébrée à sa juste mesure. Brian Ferneyhough est certainement l'une des personnalités les plus énigmatiques de la musique d'aujourd'hui. Sa musique, extrêmement complexe, est la concrétisation de raisonnements intellectuels qui trouvent leur fondement dans la pensée sérielle des années 1950-1960 et la bousculent pour construire un matériau à haute densité, base d'une expressivité radicale. Ferneyhough s'est imposé comme l'un des compositeurs fondamentaux de notre temps. 

 

En savoir plus : Festival International d'Art Contemporain de Royan 1964-1977 de Henri Besançon aux Éditions Bonne Anse.

 

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